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Les savans qui, de nos jours encore, pensent que les travaux des derniers pharaons se distinguaient des plus anciens par des dimensions beaucoup moindres soit dans l’ensemble des édifices, soit dans l’échantillon des matériaux, n’avaient certainement pas rapproché les faits que je viens de signaler, et qui prouvent que, sous ce double rapport, les travaux du temps d’Amasis, tels que les décrit Hérodote, témoin oculaire, égalent tout ce que nous trouvons encore dans les ruines de Thèbes.

Quant au style de ces monumens, on peut être assuré qu’il n’avait presque rien perdu à cette même époque. Les voyageurs attestent que les restes des travaux des rois des dernières dynasties, avant celle des Saïtes, sont en général d’un fort bon style, et qu’on les distinguerait avec peine de ceux des époques antérieures, si les noms royaux qu’ils portent n’en indiquaient la date.

Sans aller chercher loin de nous, le musée du Louvre en fournit des preuves irrécusables. Telle est une statuette en bronze, incrustée de filets d’or, représentant la femme du roi Tachellothis ; c’est un chef-d’œuvre en son genre ; il n’y a rien de plus beau du temps de Ilhamessés. On en peut dire autant de deux divinités léontocéphales, en granit noir, du règne de Sesonchis ; d’une grande cage monolithe en granit rose du règne de Psammitichus Ier, dont les figures et légendes hiéroglyphiques sont parfaitement exécutées ; d’une statue en basalte vert de ce même roi ; d’un grand et magnifique sarcophage en granit noir et blanc qui appartient au temps de Psammitichus II ; enfin un peut citer d’Amasis le sarcophage en basalte vert trouvé à Boulaq, maintenant au musée britannique. Il y en a un excellent dessin dans la Description de l’Égypte[1]. Les figures et légendes qui s’y trouvent sont, d’après le jugement des connaisseurs, exécutées avec une perfection qu’aucun monument connu ne surpasse[2].

  1. Antiq., Pl., t. V. pl. 23.
  2. Rien n’est plus déplorable que l’abandon dans lequel on laisse au Louvre tous ces monumens, qui formeraient à eux seuls un riche musée. Ils sont épars dans un rez-de-chaussée, pêle-mêle avec les sculptures d’Olympie, les bas-reliefs d’Assos, et d’autres débris d’un incontestable mérite. Les amis des arts, aussi bien que tous les étrangers instruits, ont fait souvent entendre leurs plaintes à ce sujet ; la presse les a répétées. Nous savons, quant à nous, qu’il ne tient pas à M. le directeur du musée que ce fâcheux abandon ait un terme, et il nous a été donné l’assurance que l’année ne se passerait pas sans qu’on s’occupât des moyens d’exposer dignement tous ces précieux restes d’antiquités.