Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi, sous le rapport de la perfection comme de la grandeur des travaux, le dernier siècle de l’empire pharaonique paraît avoir eu peu de choses à envier au temps des Ramessès.

Il suffirait de ces résultats pour établir que l’Égypte devait être alors aussi peuplée et aussi prospère qu’elle l’avait été sous la dix-huitième dynastie. Cette conséquence de faits avérés est confirmée par ce passage positif d’Hérodote : « On dit que l’Égypte ne fut jamais dans un état plus florissant et plus prospère que sous Amasis, que jamais le fleuve ne fut aussi bienfaisant pour la terre, ni la terre aussi féconde pour les hommes, et qu’on y comptait alors vingt mille villes habitées. » Ce n’est pas ici le lieu de discuter la réalité de ce nombre, il nous suffit de savoir ce qui se disait en Égypte au temps d’Hérodote, car l’opinion qu’il émet n’est pas la sienne ; c’est celle des Égyptiens eux-mêmes, et leur témoignage a d’autant plus de poids, qu’on connaît leur penchant à vanter les anciens temps de leur monarchie. On ne peut guère les soupçonner d’avoir, sans une intime conviction, placé le siècle d’ Amasis au-dessus de tous les autres.

Voilà dans quel état les Perses trouvèrent l’Égypte. Quels changemens vont suivre leur invasion ? Verrons-nous s’éteindre cette antique religion si profondément empreinte dans toutes les habitudes nationales ? Que deviendront et cette classe tout entière de prêtres chargés du culte de tant de divinités, et cette autre classe si nombreuse d’artisans ou d’artistes occupés de bâtir, de sculpter des temples et.des tombeaux, de peindre les caisses de momies, de fabriquer cette innombrable multitude d’idoles de toutes grandeurs et d’amulettes de toutes les formes dont la superstition des Égyptiens faisait une consommation si prodigieuse ?

Quand on s’est bien pénétré de l’esprit de ce peuple singulier, on demeure a priori convaincu que de grands changemens n’ont pu avoir lieu pendant cette période, que les Perses n’ont anéanti ni les arts, ni les institutions de l’Égypte, comme on l’a prétendu. Mais, dans une question historique aussi grave, on ne peut se contenter de simples déductions ; il faut tâcher de déterminer d’une manière précise, avec le double secours de l’histoire et des monumens, en quel état les Perses ont dû transmettre l’Égypte aux Grecs leurs successeurs. C’est le sujet de la seconde partie de ce travail.


LETRONNE.