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eut lieu à l’université de Coïmbre ; les étudians s’emparèrent du gouverneur civil, désarmèrent la garde municipale, et sommèrent la garnison de faire cause commune avec eux. L’officier auquel s’adressait la sommation répondit qu’il s’empresserait d’y déférer, si on lui pouvait montrer un ordre du gouverneur civil. Pendant que les étudians allaient chercher cet ordre, l’officier prit sur-le-champ ses mesures et dressa des embuscades aux divers carrefours de la ville. Quand la jeunesse des écoles revint, trop confiante dans la parole qu’on lui avait donnée, et montrant de loin, d’un air de triomphe, l’ordre du gouverneur, les soldats la reçurent à coups d’escopette, la traquèrent çà et là dans les rues, et il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme à l’insurrection.

Dans Almeïda cependant, M. de Bomfim, M. Cezar de Vasconcellos, les députés qui s’étaient rangés sous leur bannière et tous leurs compagnons, se trouvaient réduits à l’extrémité la plus pénible ; toutes les troupes disponibles du gouvernement, commandées par le baron de Leiria et les vicomtes de Val-Longo, de Vinhâes et de Fuente-Nova, investissaient de toutes parts la place. De Vizeu et de Coïmbre, on écrivait que les deux villes se prononceraient infailliblement, si les insurgés tenaient jusqu’à la fin d’avril, et il est hors de doute que M. de Bomfim aurait tenu plus long-temps encore, si bientôt vivres, argent, munitions, tout n’était venu à manquer. Pendant trois mois, les insurgés endurèrent les plus cruelles privations ; plus de quatre mille bombes furent lancées sur la place par les troupes de M. da Costa-Cabral. Le 7 avril, la position était devenue intolérable ; privé de tabac, ce qui pour l’homme de guerre est dans le midi une véritable torture, le soldat gardait pourtant la plus sévère discipline ; manquant de pain et harassés de fatigue, les assiégés broyaient eux-mêmes leurs petites rations de grains à l’aide de ces incommodes atafonas (moulins à chevaux) qui aujourd’hui ne subsistent plus guère qu’en Portugal. À ce moment décisif, quelques amis de M. de Bomfim réussirent à se faire jour à travers les quatre ou cinq mille hommes qui entouraient la ville, pour aller vers le nord susciter une diversion. Le 30 avril, ils étaient dans l’Alemtejo ; mais le 28 M. de Bomfim avait été contraint de signer une capitulation. Le général n’avait plus ni une once de pain ni une cruzada ; c’est tout au plus si, en mangeant les quelques chevaux qui leur restaient, ils auraient pu, lui et ses compagnons, prolonger de quatre ou cinq jours la résistance. L’avis d’ailleurs lui était parvenu que l’ambassade d’Espagne avait conseillé à son gouvernement une intervention immédiate ; il savait, à n’en pouvoir douter ; que dès le mois précédent M. Gonzalez-Bravo avait dirigé des munitions et des troupes sur la ville frontière de Ciudad-Rodrigo.

M. de Bomfim sortit d’Almeida avec les honneurs de la guerre, et se réfugia aussitôt en Espagne, accompagné de ses officiers. Quelques jours auparavant, un décret les avait privés de leurs biens et de leurs grades ; la précipitation que l’on mit à les en dépouiller forme un fâcheux contraste avec le refus que fit la reine, en 1837, de sanctionner ou plutôt de promulguer une