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mesure exactement semblable, adoptée par les cortès contre les maréchaux et leurs partisans. On s’en peut d’autant plus étonner que sur ce point, aux termes de la charte, la reine avait toute latitude, tandis qu’en 1837 la constitution de 1820, qui avant celle de 1838 a pendant quelque temps régi le Portugal, lui déniait. jusqu’au droit de veto. Hâtons-nous de le dire, après la capitulation, le pronunciamiento d’Almeïda n’a coûté la vie à personne ; M. da Costa-Cabral fut bien un peu prompt à remplir les prisons de suspects et à déporter sans jugement les plus compromis sur les côtes d’Afrique ; mais on peut lui rendre ce témoignage, que du moment où il n’eut plus rien à craindre de la révolte, il en finit complètement avec la réaction.

Nous avons insisté sur le pronunciamiento d’Almeïda, car de tous les évènemens que depuis trois ans on a vus s’accomplir en Portugal, c’est celui qui a le mieux mis en évidence les embarras politiques et financiers contre lesquels se débat M. da Costa-Cabral. Avant d’entreprendre le siège d’Almeïda, M. da Costa-Cabral demanda aux cortès un vote de confiance, et les cortès s’empressèrent de le lui accorder. Ce vote rappelait en quelque sorte celui que M. Mendizabal avait obtenu des chambres espagnoles au commencement de sa première administration ; M. da Costa-Cabral se hâta de le mettre à profit pour contracter divers emprunts dont nous aurons bientôt à dire les conditions. En se dessaisissant de leur argent, les capitalistes de Lisbonne exigèrent que l’on comprimât le plus tôt possible et à tout prix le soulèvement d’Almeïda. M. da Costa-Cabral en fit la formelle promesse, et il tint sa parole avec tant de zèle, que, le jour même où les septembristes se décidèrent à capituler, le ministre dirigeant avait dépensé déjà le montant des emprunts ; il ne restait pas même un conto dans les caisses de l’état.

M. da Costa-Cabral est un homme de résolution ; dans sa carrière politique, tout, jusqu’à ses fautes, le démontre surabondamment. Il en était venu à ce point, qu’il lui fallait ou déserter la lutte, ou trancher par un coup d’état et sans hésitation toutes les difficultés. C’est à ce dernier parti que devait s’arrêter un homme de son caractère. Un mois après la réduction d’Almeïda, M. da Costa-Cabral avait conclu un nouvel emprunt, engageant le revenu du tabac, du savon et du salpêtre à des conditions dont nous aurons également à faire connaître les détails ; le ministre de la reine doña Maria s’engageait aussi avant que possible dans cette voie fatale des expédieras ruineux, d’où, à la même époque, M. Mon, le ministre des finances d’Espagne, s’efforçait de sortir en rompant avec les contratistes. Il faut le dire, dès le moment où le Diario publia sous forme de décret les conditions de l’emprunt, il s’éleva parmi les députés, parmi les membres de la chambre héréditaire, au conseil d’état, à la junte du crédit public, au tribunal de commerce, et dans les autres tribunaux, partout enfin, une opposition formidable, qui, à chaque instant, par les journaux, par les protestations collectives, par les réclamations particulières, s’efforçait de perdre le ministre dans l’esprit de la reine. Pour échapper à de si nombreux adversaires, M. da Costa-Cabral n’imagina rien de mieux que d’en venir aux dernières extrémités et de les frapper tous