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à la fois. C’est alors, le 1er août, un mois, jour pour jour, après l’émission de l’emprunt, qu’il promulgua les trois décrets sur la magistrature, sur l’armée, sur l’université, qui, à ce moment même, font encore, à Lisbonne, dans la presse et à la tribune des cortès, l’objet des plus sérieuses polémiques et des plus ardentes discussions.

Le meilleur écrit qui se soit publié sur ces questions capitales a pour titre : Memorandum ao corpo legislativo, ou Reflexoes sobre o decreto do 1° de agosto de 1844, por un cartista. Ce chartiste est un membre du suprême tribunal de justice, M. Antonio-Joaquin de Magalhães. Il est impossible de mieux prouver que les décrets violent jusqu’aux moindres conditions du régime constitutionnel, et non-seulement de ce régime, mais de tous ceux où l’autorité monarchique n’a pas complètement absorbé en elle-même toute espèce de pouvoir. De l’un à l’autre bout de sa démonstration, qui, à ce point de vue, est péremptoire, M. de Magalhães s’appuie sur l’autorité de Montesquieu, de Bodin, de Jean-Jacques Rousseau, et de tous les publicistes qui, en France, ont précédé notre révolution, aussi bien que sur celle de MM. Dupin, Royer-Collard, Rossi, Benjamin Constant. M. de Magalhães, M. Duarte Leitão, M. de Silva-Carvalho et presque tous les autres membres de la haute magistrature protestèrent avec énergie ; M. de Silva-Carvalho fut contraint d’envoyer sa démission à la reine. Au conseil d’état, M. de Palmella déclara que le dernier coup était porté à la loi fondamentale. Pour bien comprendre toute la force de l’opposition que faisait en plein conseil d’état à M. da Costa-Cabral M. le duc de Palmella, il faut savoir qu’en Portugal le conseil d’état forme comme une sorte de comité qui, dans les grandes occasions, est tout-à-fait libre d’exprimer sa pensée sur les actes du ministère ; c’est, on le voit, sous quelques rapports, le conseil d’état d’Angleterre, et non point celui que Napoléon a institué chez nous.

Le Portugal ne nous a guère fait qu’un emprunt notable, celui de notre système judiciaire, et encore lui a-t-il fait subir de fort graves modifications. Le Portugal a une cour suprême, qui réside à Lisbonne, et à laquelle sont soumis les arrêts des relaçoens (cours royales) de Lisbonne, de Porto, de Ponte-Delgada et de Goa. Chaque concelho ou district a ses juges de première instance, juizes de direito et juizes ordinarios ; il est vrai de dire que si les premiers sont nommés par le gouvernement, c’est le peuple qui a le droit d’élire les seconds. Nous devons ajouter encore que la police préventive et la police correctionnelle sont confiées à des magistrats spéciaux. Le Portugal a aussi, à Lisbonne et à Porto, deux tribunaux, ou plutôt deux jurys de commerce, choisis par leurs pairs dans la corporation des marchands, le président excepté, dont le gouvernement s’est réservé la nomination. Auprès de ces jurys, les juizes de direito exercent les mêmes fonctions que nos conseillers de cour royale auprès des jurys ordinaires. Les arrêts de ces deux tribunaux ne sont point, comme ceux des autres juridictions inférieures, déférés aux cours royales ou à la cour de cassation, mais à un autre tribunal suprême, : siégeant à Lisbonne, qui ne connaît que des affaires commerciales,