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avec les contos de la Confiança nacioncal, de tenir tête aux nécessités les plus urgentes, il voit bien lui-même qu’il ne faut plus songer à faire de l’emprunt la base principale du système financier ; il comprend bien maintenant que ce système doit être fondé sur l’impôt, puisque après tout, c’est à l’impôt qu’un état bien ordonné demande en premier lieu les garanties de l’emprunt, en second lieu les moyens de l’amortir. M. da Costa-Cabral aspire donc à créer son système tributaire, et nous le félicitons que la pensée lui en soit enfin venue : en 1844, les cortès ont consacré leur session presque tout entière à remanier l’impôt ; malheureusement, la plupart de leurs votes, forçant les contributions, surchargeant le pays et, par suite, tarissant la source des revenus publics, vont précisément contre le but auquel tendait M. da Costa-Cabral quand il les leur a demandés.

Directes ou indirectes, toutes les contributions ont été élevées. On a augmenté de cinq pour cent le droit de vente, que supportent naturellement les propriétaires besogneux, réduits à se défaire de leurs immeubles. Les droits de succession ont subi un tel accroissement, qu’ils sont hors de toute proportion avec la valeur des terres, valeur très peu considérable dans un pays où une agriculture paresseuse et routinière ne parvient pas, même à placer tous ses produits. La levée du nouvel impôt a d’ailleurs été combinée d’une si étrange manière, le fisc, qui le doit percevoir, est investi de telles attributions, qu’en plusieurs provinces on parle déjà d’abandonner les terres pour se soustraire à l’obligation de payer la taxe. On a également augmenté les droits sur les fers de Suède et d’Angleterre, et l’on voit quelle lourde charge on vient d’imposer à un pays qui en définitive ne vit réellement que de son agriculture. Que le fer se vende ou non à bas prix, ne faut-il pas toujours que le laboureur en achète pour sa herse et pour sa charrue ? Ajoutez qu’une si sévère mesure doit infailliblement ruiner les fonderies de Porto, de Braga, de Lisbonne, qui sont obligées d’acheter à l’étranger leur matière première. Ce coup qu’on vient de porter à l’industrie fabrile est d’autant plus rude qu’on pourrait lui rendre aisément au Brésil, par un simple traité de commerce, les débouchés immenses qu’elle y avait autrefois.

On a rétabli l’odieux impôt du sel, qui en Portugal n’avait jamais subsisté que sous la domination espagnole, et que le premier roi de la maison de Bragance s’était empressé d’abolir. Le nouveau monopole, qui déjà réduit à l’extrémité une grande compagnie depuis long-temps établie pour l’exploitation de la pêche, pèsera d’une façon intolérable sur les populations des côtes et des villes maritimes : on sait quelle énorme quantité de sel on est obligé de consommer sur les bateaux pêcheurs. Ce n’est pas tout : en créant le monopole du sel, les cortès ont rétabli la dîme exorbitante que, sous le régime féodal, les maîtres de ces bateaux payaient aux seigneurs, aux couvens, à la maison royale ; seulement, aujourd’hui, ce sont les officiers du fisc qui prélèvent au profit du trésor le huitième environ du produit brut. On a grevé au-delà de toute mesure l’humble industrie linière, aussi populaire que la fabrication des savons dans presque toutes les provinces, dans le