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Minho surtout, où les femmes du peuple n’ont guère d’autre occupation que de filer leur quenouille et de tisser un peu de toile grossière. L’état s’est emparé de l’impôt sur les viandes, qui jusqu’à ce jour formait le principal revenu des municipalités ; cet impôt est maintenant si élevé, que selon toute apparence la consommation diminuera de moitié. En bonne santé, le paysan et l’homme du peuple ne consommeront plus que de la morue, et comme la morue vient d’Angleterre, la taxe n’aura été, en définitive, établie qu’au profit des marchands de Londres et de Liverpool. Le paysan malade sera réduit à une privation cruelle, et l’on sait que pour le pauvre, dans une telle situation, la viande est le remède le plus efficace.

Presque partout, une autre loi oblige le peuple de renoncer à l’usage du vin, les cortès ayant jugé à propos de faire supporter aux vins ordinaires une taxe tout aussi forte que celle qui déjà pesait sur les vins de qualité. Le plus clair résultat d’une telle loi sera de supprimer le commerce des vins ordinaires, qui, en ces dernières années, avait pris de très considérables développemens. A partir de cette année même, les droits de timbre sont augmentés, et il n’est pas un seul papier de commerce, un seul papier public, les journaux exceptés, qui ne soit rigoureusement assujetti au timbre, mesure excessive dans un pays où le commerce, appauvri, obéré, est obligé à chaque instant de renouveler ses obligations. On a élevé les droits d’octroi à la porte des villes, et comme à Lisbonne la banlieue est également soumise à l’octroi, on s’est mis en devoir d’agrandir la banlieue, ce qui, un beau jour, vaudra peut-être à M. da Costa-Cabral une révolte de campagnards.

Dans les ports, les droits de tonnage sont accrus de 5 pour 100, et l’on a frappé de si fortes taxes le petit nombre de produits qu’on exporte encore pour les colonies, qu’on entrevoit le moment où celles-ci n’auront presque plus de relations avec leur métropole. Les intérêts de la dette intérieure subissent une retenue de 10 pour 100, bien qu’aux termes des conventions primitives elle ne doive être, comme l’attestent les coupons mêmes, assujettie à aucun impôt. C’est aux dépens des petits rentiers, aux dépens des orphelins, des veuves et des établissemens de bienfaisance, que s’opère une retenue si considérable. On a élevé de 10 à 15 pour 100 celle que tous les ans on prélève sur les appointemens des employés en activité de service ; pour les employés en retraite, la retenue est de la moitié, ni plus ni moins. Et, d’ailleurs, les premiers depuis bientôt six mois, les seconds depuis onze mois, n’ont pas même touché un seul reis de leur solde. En Portugal, l’armée seule aujourd’hui ne se ressent point de l’universel malaise : on remarquera même que dans la Péninsule l’armée n’est jamais mieux payée qu’en ces temps de révolutions et de crises, qui, pour le reste de la nation, entraînent une si désolante et si complète pénurie.

C’est une excellente idée, assurément, que de chercher à relever le trésor par l’impôt ; mais, avant tout, il faudrait qu’au lieu de tarir les revenus publics, l’impôt les pût augmenter ; il faudrait qu’en donnant une puissante et durable impulsion au commerce, à l’industrie, à l’agriculture, on mît le