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peu plus couvertes de mousses et d’herbes sauvages. Langevin était à chaque instant obligé de le pousser et de le rappeler à la prudence. Ils arrivèrent ainsi devant une poterne à moitié enfouie sous la terre et embarrassée de broussailles. Le sol du fossé s’était exhaussé en cet endroit. Langevin écarta de la main les lierres poudreux qui obstruaient l’ouverture et s’y glissa péniblement. Ils virent en entrant un jour au-dessus de leur tête.

— Voyez-vous, dit Langevin, on pourrait croire que ce conduit ne sert qu’à monter sur la plate-forme ; c’est pourquoi les bleus, du temps de la guerre, n’ont jamais pénétré dans le château bas, mais vous allez voir.

Il battit le briquet, alluma sa lanterne, et descendit quelques degrés rompus ; ils arrivèrent devant une grille épaisse. Langevin déplaça une pierre qui masquait la vieille serrure scellée dans le mur, poussa vigoureusement, et la grille céda sans bruit. Elle donnait passage dans un escalier qui tournait sans fin et où il n’y avait place que pour un homme à la fois, encore fallait-il marcher avec précaution pour ne se point heurter la tête aux parois. Cet escalier finissait dans une sort€ de galerie étroite où Langevin s’avança le premier en rampant.

— Nous sommes ici, dit-il, dans l’épaisseur des murs, et ces endroits servaient aux soldats de l’ancien temps qui se glissaient partout pour défendre la muraille.

Comme il disait ces mots, la flamme de la lanterne faillit s’éteindre sous le vent d’une troupe hideuse de chauve-souris effarouchées qui s’envolèrent en leur rasant le visage. Hercule frissonna, car il avait horreur de ces animaux, et Langevin, qui baissait la tête, lui dit en riant :

— Ah ! les chauve-souris vous font toujours peur ? Vous souvient-il que j’en avais cloué une sur la grand’porte et que vous ne vouliez plus passer dessous ?

Ils arrivèrent en se détournant dans une haute salle carrée, à grandes voûtes, dont les murs étaient charbonnés de dessins grossiers et bizarres.

— C’est ici, dit Langevin en levant sa lanterne, qu’on mettait les prisonniers, à ce que l’on raconte. On voit encore à la voûte deux crocs, — tenez, les voyez-vous ? — qui servaient à les pendre, et ils demeuraient là pendus au milieu de leurs compagnons pour servir d’exemple. Ces pauvres gens n’avaient d’autre jour qu’un grillage taillé là-haut dans une porte masquée par la terre. Je puis vous laisser