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son approbation à la ligue, celle-ci était déjà maîtresse du royaume et avait fait capituler la royauté ; le pape n’engagea d’ailleurs contre le roi de Navarre une lutte directe et personnelle en prononçant son excommunication qu’après que le pontife se fut trouvé directement placé entre le péril imminent d’une succession protestante et celui d’un changement de dynastie.

Éconduits à Rome, les agens de la maison de Lorraine avaient trouvé en Espagne un accueil plus empressé. Dès la tenue des premiers états de Blois, en 1576, le cabinet de l’Escurial exerçait au sein du parti catholique une influence prépondérante. Le traité secret signé au château de Joinville entre les princes de la maison de Lorraine et le successeur de Charles-Quint avait garanti la couronne au cardinal de Bourbon, à l’exclusion de tous les princes non catholiques de sa branche. Cet acte ouvrait dès-lors à MM. de Guise, à la mort du vieil oncle du roi de Navarre, une perspective assurée. Pour prix de cette concession et des larges subsides promis par la cour de Madrid, on s’engageait à rendre au roi catholique les places conquises dans les pays-bas espagnols. D’autres dispositions d’une nature plus générale avaient été ajoutées à celles-là : elles portaient sur l’interdiction du culte public aux protestans et la réception du concile de Trente dans le royaume, double clause qui, à cette époque, constituait à bien dire le symbole officiel du parti catholique.

Comment ce parti ne fût-il pas devenu le maître de la France ? Tout plein de la sève populaire et conduit par des chefs habiles, il associait à ses plans religieux le redressement des griefs, la convocation des états-généraux, la chute des mignons et la purification de cette demeure royale où l’ire publique voyait une autre Sodôme. La puissance de la ligue était devenue tellement irrésistible, surtout à Paris, qu’il ne restait à Henri III d’autre parti à prendre que de s’en déclarer le chef. Lorsqu’une situation est forcée, tous les reproches sont injustes. Ce qu’on peut imputer avec plus de raison au dernier des Valois, c’est d’avoir, par l’irrésolution de ses conseils et les tergiversations de sa conduite, compromis chaque jour le bénéfice de ses concessions et la dignité même de son malheur.

Le règne de ce prince put être considéré comme moralement terminé au mois de juillet 1585, lorsqu’après des résistances aussi longues qu’infructueuses il se vit contraint de signer l’édit de Nemours. Interdire tout exercice de la religion réformée dans le royaume, placer ses sujets calvinistes entre l’abjuration et l’exil, les déclarer à jamais incapables de toute fonction, leur retirer sans motif nouveau