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de la seule autorité religieuse reconnue par lui ; ceci était fort naturel, et confirmait le droit de cette souveraineté elle-même, bien loin d’en impliquer l’abandon. L’ultramontanisme de cette époque n’était donc au fond que le libéralisme de la nôtre. Les gens qui, au XVIe siècle, en appelaient à Rome étaient les hommes de la souveraineté nationale ; ceux qui déclinaient alors l’autorité du saint-siège étaient les sectateurs purs et simples du droit divin des rois et de leur autorité inamissible. Il a fallu beaucoup de subtilités pour empêcher de voir cela, et une grande mauvaise foi pour ne pas l’avouer.

L’incendie allumé dans la capitale eut bientôt embrasé le royaume du fond de la Bretagne à l’extrémité de la Provence. Les corps municipaux et la plupart des grandes compagnies judiciaires, réunis par une pensée commune et par une commune passion, engagèrent une correspondance intime qui restera comme le plus grand monument de l’esprit d’association en France. Dans de telles conjonctures, Henri III fut conduit à une résolution qui, prise à temps, pouvait avoir son importance, mais dont le bénéfice était désormais fort diminué pour lui. Il vint chercher un refuge dans l’armée protestante et confier sa couronne à ceux qu’il avait récemment déclarés indignes de vivre sur le sol de sa patrie.

Jamais le roi de Navarre ne déploya un tact plus exquis que dans cette occurrence délicate. Il s’effaça devant son roi malheureux avec non moins d’habileté que de convenance. Henri de Bourbon voyait se réaliser ainsi le plus cher et le plus ancien de ses vœux. Il cessait d’être le chef d’une minorité religieuse pour devenir le représentant et le défenseur du pouvoir royal opprimé. L’armée huguenote s’appelant désormais l’armée royaliste, il espérait voir les intérêts particuliers de la réforme disparaître devant ceux de la grande unité dont la royauté française était le symbole respecté.

Peut-être une telle espérance n’aurait-elle pas été trompée, si Henri III avait continué de vivre. Le catholicisme non équivoque de ce prince pouvait jusqu’à un certain point couvrir la religion de ses auxiliaires, dont la cause venait alors s’absorber dans la sienne. Si la victoire, qui s’était déclarée pour le roi après sa jonction avec les réformés, avait continué de lui rester fidèle, les peuples auraient pu voire dans ce retour de fortune le triomphe de la majesté royale plutôt que celui de l’hérésie. Mais le crime de Jacques Clément vint arracher soudain à Henri de Bourbon le précieux abri sous lequel il prenait si grand soin de cacher sa propre bannière, et rendre à la question religieuse l’intérêt passionné que ce prince s’efforçait de lui enlever. Dans la nuit