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la folie du jeune vice-roi Galvez, qui, pour jouir du magnifique spectacle étalé tout autour, fit construire au sommet le superbe château réduit déjà à l’état de ruine. Les plus humbles particuliers partageaient le goût des grands pour les fleurs. Lorsque Cortez, après son débarquement et la fondation de la Villa Rica de la Vera-Cruz, fait son entrée dans la ville de Cempoalla, les indigènes viennent au-devant de lui, hommes et femmes, se mêlant sans crainte aux soldats, portant des bouquets et des guirlandes de fleurs dont ils ornent le cou du cheval de Cortez, et passent autour de son casque un chapelet de roses.

Une autre curiosité, qui semble répandre sur le nom des Aztèques un parfum d’idylles, et donnerait à supposer que ce peuple avait des goûts d’une innocence riante comme les bergers de l’Arcadie, c’étaient les chinampas ou jardins flottans qui étaient répandus sur les lacs. Des amas de lianes ou des radeaux tourbeux en avaient sans doute inspiré l’idée aux Aztèques, alors que, comme les juifs, il se préparaient à leur grandeur future sous la rude loi d’un pharaon, chef d’une nation étrangère à laquelle ils étaient soumis. Le terrain leur était mesuré comme la Bible dit que l’était la paille aux Hébreux ; ils en avaient créé en liant les uns aux autres, à la surface du lac, des paquets de roseaux ou de branchages sur lesquels on répandait une légère couche de terre. Et l’usage en resta lorsque les Aztèques furent les maîtres. Ces îles artificielles de 50 à 100 mètres de long servaient à la culture des légumes et des fleurs pour le marché de la capitale. Quelques-unes avaient assez de consistance pour que des arbustes assez élevés pussent y croître ; on y édifiait même une cabane en matériaux légers. On les amarrait à volonté contre la rive par des perches, ou, au contraire, on les faisait avancer par le même procédé avec leur parure fleurie. Ce spectacle frappait vivement les Espagnols et leur faisait dire, selon Bernal Diaz, qu’il fallait qu’ils eussent été transportés dans une région enchantée, pareille à celle dont ils avaient lu la description dans le roman d’Amadis de Gaule, fort célèbre à cette époque.

L’état de leurs arts et métiers était satisfaisant : ils produisaient non-seulement ce qui était utile pour les besoins de la vie, mais même des objets d’un grand luxe. Le coton et le fil d’aloès leur fournissaient leurs habits ; ils faisaient en coton une espèce de cuirasse (escaupil) impénétrable aux flèches ; ils savaient teindre les tissus d’un grand nombre de couleurs minérales ou végétales : j’ai nommé surtout la cochenille, qui est à la lettre une couleur animale. Ils cuisaient de la poterie pour les usages domestiques et faisaient aussi des ustensiles en