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détaché vers le général en chef de l’armée autrichienne, l’amiral Martin, dans l’espoir de s’emparer de ce vaisseau comme il s’était emparé du Berwick, le poursuivit jusqu’en vue de la baie de Saint-Florent, où était mouillée l’escadre anglaise. Ce ne fut que pendant la nuit que l’amiral Hotham put appareiller à la faveur d’une petite brise de terre. Présumant que la flotte française, instruite de la supériorité de ses forces, rallierait les côtes de Provence, il se dirigea vers les îles d’Hyères, et, le 12 juillet, apprit par des bâtimens neutres que cette flotte, peu éloignée de la sienne, faisait route pour gagner la terre. Pendant la nuit, un vent violent de nord-ouest occasionna à ses vaisseaux de nombreuses avaries. Six d’entre eux avaient déchiré leur grand hunier. Quand le lendemain matin la flotte française fut aperçue à quelques lieues sous le vent, l’amiral Hotham voulut, avant de l’attaquer, laisser à ses vaisseaux le temps de remplacer les voiles qu’ils avaient perdues, et il manqua ainsi l’occasion d’engager, avec 23 vaisseaux contre 17, un combat qui n’eût pu se terminer que par l’entière destruction de notre escadre. L’amiral Martin, profitant de cette faute, s’élait empressé de rallier ses vaisseaux et de les diriger sous toutes voiles vers le golfe Jouan, qui se trouvait en ce moment le mouillage le plus facile à atteindre. Cependant le vent mollissait à mesure que nos vaisseaux se rapprochaient de la côte, et l’avant-garde ennemie s’avançait rapidement à la faveur de la brise qui régnait encore au large. Trois vaisseaux anglais s’étaient portés sur le serre-file de l’armée française, le vaisseau de 74 l’Alcide, qui, bientôt dégréé, se trouva, en quelques minutes, séparé par un assez grand intervalle du reste de la ligne. Ce fut en ce moment que la frégate l’Alceste, commandée par le capitaine Hubert, essaya de sauver l’Alcide, près d’être enveloppé par l’avant-garde ennemie. Quand les vaisseaux anglais virent cette noble frégate venir se jeter ainsi au plus épais de la canonnade, mettre fièrement en panne sur l’avant de l’Alcide et amener un canot pour lui envoyer un grelin de remorque, il y eut parmi eux un instant de surprise et d’hésitation, pendant lequel on cessa de tirer sur l’Alcide. Le capitaine du Victory, vaisseau à trois ponts que montait le contre-amiral Mann, était descendu lui-même dans les batteries, recommandant aux canonniers de réserver leur feu jusqu’au moment où ils pourraient le diriger sur la frégate ; mais elle, recevant impassible cet ouragan de fer, ne songea à s’éloigner que lorsque son canôt eut été coulé et qu’elle eut vu un effroyable incendie se déclarer à bord du vaisseau qu’elle voulait sauver. Réparant alors à la hâte les avaries qu’avait éprouvées son gréement, elle fit route vers la flotte française, laissant, a dit un témoin oculaire alors lieutenant à bord du Victory, « les vaisseaux anglais étonnés et pleins d’admiration pour cette manœuvre, la plus hardie, et la plus habile fui ait jamais été exécutée. »