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REVUE. — CHRONIQUE.

facilités que lui procuraient les principes généraux de la Porte en fait d’échanges internationaux.

L’Angleterre, avant été depuis long-temps traitée sur le pied de la nation la plus favorisée, se trouvait absolument déjà dans la même position que nous. Elle avait une compagnie du Levant qui datait du règne de Jacques Ier, et les plus vieilles maisons de la Cité s’étaient élevées par leur commerce avec la Turquie. Ce fut l’Angleterre qui réussit la première à régulariser ces antiques coutumes et « à les modifier d’une manière conforme à la dignité et aux droits des deux puissances, dans le seul but d’augmenter le commerce entre les deux états. » — Telles sont les paroles mêmes du traité d’août 1838. La marche à suivre était naturellement indiquée ; il s’agissait de compenser, par une augmentation sur les droits principaux à la sortie et à l’entrée, l’indispensable abolition des droits additionnels perçus à l’intérieur. Le succès de ce nouvel accommodement devait dépendre de la proportion dans laquelle seraient rédigés les tarifs et de l’ensemble avec lequel ils seraient adoptés par les états alliés de la Turquie.

Disons maintenant que l’idée du traité de 1838 datait de plus loin qu’on ne croit, et l’on en verra tout de suite la portée première quand on saura dans quel système et dans quel esprit elle se présentait. C’était la pensée d’un homme qui a eu un moment et qui a failli jouer un rôle en Europe, de David Urquhart ; c’était une pensée anti-russe. Lorsqu’en 1835 M. Urquhart fut attaché à l’ambassade anglaise de Constantinople afin d’unir plus étroitement les deux souverains alors régnans par la confiance personnelle qu’il leur inspirait à chacun, il avait été convenu que cette union serait le plus tôt possible garantie par trois traités commerciaux. Le premier de ces traités eût embrassé, sous des conditions identiques, toutes les provinces de l’empire ottoman, et l’on eût invité l’une après l’autre toutes les puissances européennes à y accéder. Un traité particulier avec l’Autriche eût assuré l’adhésion du cabinet de Vienne ; un autre avec la Perse fermait aux Russes le chemin de l’Asie centrale, en même temps qu’on leur barrait celui de Constantinople. Quelle qu’ait été la destinée de ces plans, on ne saurait en contester la grandeur, et il ne faut pas trop s’étonner que l’homme qui les avait conçus se soit plaint si amèrement de les voir aboutir à la convention de 1838. Repoussé en 1835, accepté en 1836 par le gouvernement britannique, le traité anglo-turc de M. Urquhart ne fut en effet conclu qu’après la mort de Guillaume IV, et aussitôt M. Urquhart accusa les éditeurs responsables de son projet de l’avoir tellement altéré, qu’il produirait les résultats les plus opposés à ceux qu’il devait produire. L’avenir allait justifier ces fâcheuses prédictions. Les négocians anglais et surtout nos propres négocians, régis depuis lors par la lettre de ce même traité d’août 1838, ont peut-être plus souffert qu’ils n’ont gagné ; dans certaines parties de l’empire, les affaires ont tourné presque exclusivement au bénéfice de la Russie.

Quels sont donc les termes de ces deux conventions successivement signées en août et en novembre 1838 par lord Ponsonby et par l’amiral Roussin, aujourd’hui déclarées plus qu’insuffisantes ? Elles supprimaient tous les droits intérieurs, assuraient aux sujets anglais et français la plus entière liberté d’acheter et de vendre dans toute l’étendue de l’empire, et stipulaient par conséquent l’abolition des monopoles ; mais, d’autre part, elles augmentaient de 2 pour 100 les droits perçus à l’entrée, et de 9 pour 100 les droits perçus à la sortie, élevant