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l’Allemagne protestante qu’on emprunte des histoires de la papauté. Nous remarquerons à ce propos que, dans ces derniers temps, il s’est formé entre les écrivains protestans et catholiques une espèce de ligue en faveur des Grégoire, des Innocent et des Boniface, en un mot en faveur de tous les papes qui ont tenté d’humilier la couronne devant la tiare. En est-on plus catholique pour cela ? Nous sommes loin de le penser. On a tenté également, dans l’école rétrograde et déclamatoire du néo-catholicisme et du néo-royalisme, de réhabiliter toutes les violences que la politique a couvertes du manteau de la religion, et, pour montrer jusqu’à quel point certains historiens se sont laissé entraîner de ce côté, il suffira d’un seul exemple, il suffira d’opposer M. Capefigue au cardinal de Richelieu, qui devait cependant être indulgent pour les rigueurs salutaires. Il s’agit de la persécution de Philippe III contre les Maures. M. Capefigue y voit une mesure qui complète le système de défense catholique ; Richelieu la déclare « le plus barbare conseil dont l’histoire de tous les siècles précéderas fasse mention. »

La section bibliographique qui se rattache à l’histoire étrangère présente dans la production des variations très grandes, et la science, en cette partie, paraît subordonnée au mouvement de la politique. On s’occupe du Portugal quand dora Miguel dispute le trône à dona Maria, de la Turquie quand le canon des Anglais renverse les murailles de Beyrouth, de l’Italie quand elle illumine l’Apennin en souvenir de la victoire des Génois, de la Pologne quand elle livre ses batailles héroïques : ainsi, en 1833, l’histoire de cette nation donne 135 ouvrages, dont 111 publiés à Paris par l’émigration ; mais, du moment que tout est calme au ministère des affaires étrangères, nous nous renfermons dans nos limites, et c’est là un fait regrettable, car notre histoire aurait besoin d’être rectifiée, éclaircie, complétée par celle des peuples voisins. Nous savons ce qui s’est fait chez nous, nous ignorons souvent ce que nous avons fait chez les autres. Nous sommes trop disposés à juger les événemens du point de vue de l’égoïsme national, et cependant il y aurait profit pour notre gloire à connaître les annales des autres peuples dans leurs rapports avec les nôtres. C’est ainsi que dans l’Histoire des Guerres de la Péninsule par le général anglais Napier, dans l’Histoire d’Italie de Botta, nous trouvons des faits et des jugemens qui nous réhabilitent contre nos propres écrivains. D’ailleurs, le point de vue auquel se placent les étrangers pour regarder la France est toujours intéressant et souvent instructif ; leur étonnement nous éclaire, leur inexpérience de nos mœurs découvre des détails qui, à cause de l’habitude, nous échappent. Leur connaissance approfondie d’un autre ordre social leur fournit des comparaisons pour nous pleines d’enseignemens. Dans les temps ordinaires, les deux contrées qui fixent le plus notre attention sont l’Angleterre et l’Espagne : l’Angleterre, à cause de nos anciennes et de nos modernes rivalités ; l’Espagne, à cause de la couleur héroïque et romanesque de son histoire ; mais nous avons tant de fois répété à tort ou à raison que nous sommes un peuple providentiel et qu’il n’y a point de frontières pour nos idées, que nous avons poussé parfois jusqu’à la fatuité l’indifférence pour les annales des autres peuples. C’est là un fait regrettable, car, dans la bibliographie contemporaine, nous trouvons plus d’un ouvrage qui prouve que nous pouvons donner des maîtres aux étrangers sur le terrain de leur propre histoire. Il suffit de citer la Révolution d’Angleterre et la Vie de Washington de M. Guizot, l’Histoire de