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rentrés dans leurs capitaux, dont ils seraient embarrassés, ils viendraient de nouveau les verser aux caisses d’épargne, ou participeraient à un emprunt. Dans ce cas, il fallait, nous le répétons, fixer pour la conversion un cours très bas, pour que ces réalisations fussent possibles sur une échelle un peu forte, et procurer aux créanciers de l’état un bénéfice qui les engageât à confier de nouveau leurs capitaux au trésor. Or, le cours élevé pour lequel le ministre se prononça pendant la discussion démontre assez clairement que pareille considération n’était pas entrée dans son esprit.

Ce n’était pas chose facile que de fixer équitablement le cours auquel la consolidation aurait lieu. Le 3 juillet, le ministre proposa 70 fr. pour le 5 pour 100 et 48 fr. pour le 3 pour 100 : les cours à la Bourse avaient été de 71 à 72, et de 47 à 47 fr. 50 cent. ; mais, suivant moi, le principe sur lequel on devait se fonder était indépendant du cours de la Bourse ; il fallait s’arranger pour faire rentrer intégralement les créanciers de l’état dans les sommes qu’ils avaient prêtées. J’aurais donc proposé de laisser la conversion facultative pour les créanciers, et de fixer les cours suivans :

Pour les déposans des caisses d’épargne, le cours moyen de la rente le jour de la demande du retrait ;

Pour les porteurs de bons à échoir, le taux moyen de la rente le jour de l’échéance de leurs bons.

Les porteurs de bons déjà échus et renouvelés auraient eu le choix d’attendre la nouvelle échéance, ou de prendre de la rente au cours moyen des huit jours antérieurs au vote du décret. Probablement un semblable projet eût sauvé l’institution des caisses d’épargne, qui, on peut le dire, n’existent plus aujourd’hui. Loin de nous la pensée de rejeter la responsabilité de ce fait sur les intentions de M. Goudchaux ; toutefois il est évident que les déposans des caisses d’épargne remboursés à 80 francs, et obligés de réaliser leurs capitaux avec une perte de 12 pour 100, ne choisiront pas de nouveau un placement qui leur a valu une perte aussi considérable. Et maintenant que cet établissement si utile est pour ainsi dire détruit, au moins pour long-temps, qu’il nous soit permis de souhaiter à la république d’inventer une ressource qui puisse rendre à la classe ouvrière les mêmes services que les caisses d’épargne ; la postérité dira que ce fut la monarchie qui fonda les caisses d’épargne, et que ce fut la république qui causa la ruine de cette belle institution si populaire, si démocratique. Puisse le nouvel ordre de choses faire pour le bonheur et la prospérité des travailleurs autant de bien que le gouvernement qu’il a renversé !

Le jour de la discussion du décret sur les dépôts des caisses d’épargne et les bons du trésor, la rente avait monté de 72 à 80 fr., et de 47 50 à 51. Le comité des finances, voyant dans cette hausse le symptôme d’un