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harmonie, qui donnait confiance à l’opinion publique dans notre avenir financier, se romprait chaque fois que M. Goudchaux se rapprocherait, dans ses projets de lois ou ses discours, des doctrines professées par le parti le plus radical de l’assemblée. Ce désaccord, qui ne devrait être que passager, a malheureusement déjà pris la forme d’une véritable rupture lors de la discussion du décret sur les prêts hypothécaires. Le comité des finances, se fondant sur l’inopportunité d’une attaque dirigée contre des capitaux aussi utiles à la propriété et au commerce, tandis que tous les revenus mobiliers étaient épargnés, proposait le rejet du projet de loi. Pourquoi M. Goudchaux a-t-il voulu faire de cette question une grosse affaire ? Ne valait-il pas mieux, tout en défendant son projet, puisqu’il y tenait tant, ménager une opinion aussi respectable, aussi considérable que celle du comité des finances ? De quoi s’agissait-il après tout ? De 18 à 20 millions que M. Goudchaux a déclaré lui-même être aisés à remplacer. Dès-lors, il est vraiment difficile de s’expliquer l’espèce d’aigreur et de colère que le ministre déploya dans cette discussion et contre le comité des finances et principalement contre le membre le plus éminent de ce comité. Des paroles bien singulières, alarmantes, à vrai dire, sortirent alors de la bouche de M. Goudchaux. Certes, si jusqu’ici il avait été particulièrement soutenu par un côté de l’assemblée, c’était par le côté où siègent les membres les plus distingués du comité des finances. Pourquoi donc les premières paroles du ministre furent-elles des remerciemens à cette partie extrême de l’assemblée dont l’entraînement irréfléchi avait contribué à la faute énorme commise lors du décret sur les caisses d’épargne et les bons du trésor ? C’étaient des paroles bienveillantes que le ministre adressait à ceux qui l’avaient induit en une si déplorable erreur ; au comité des finances, à l’appui duquel il devait en grande partie ses succès, il fit une déclaration de guerre en règle, lorsqu’il insinua que « le comité et lui marchaient dans une voie contraire, et que lui, ministre, lutterait pour faire accepter toutes les idées nouvelles, tandis que le comité serait instinctivement poussé à les combattre toujours. » Cette rupture du ministre alarma le public ; on sentait, comme disait M. Thiers, que ce dont l’administration des finances a le plus besoin, c’est d’un accord très ferme entre le comité qui discute les affaires de finances et le ministre qui les dirige, et que, de cet accord, il résulte une forte résistance à toutes les théories folles et dangereuses. On ne manqua pas de rapprocher ces paroles, qui dépeignaient si justement les besoins du moment, de ces phrases de M. Goudchaux, inquiétantes pour l’avenir : « Il est temps que la république se manifeste,…. il faut que le gouvernement actuel puisse dire aujourd’hui en liberté ce qu’il veut faire dans l’avenir, et c’est ici que le désaccord commence, c’est ici qu’il est profond, et que je ne veux pas d’une seule voix qui ne m’appartienne…. Nous