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posons aujourd’hui les premières bases d’un nouveau crédit.... Il faut que la circulation du crédit se fasse différemment que par le passé, a On s’est justement effrayé de ces menaces du ministre, qui semblaient annoncer la future application des doctrines si énergiquement réprouvées par l’opinion publique. Disons aussi qu’elles étaient peut-être inopportunes le lendemain d’un emprunt dont le succès n’est pas encore assuré. Puisse le ministre sentir que son véritable point d’appui n’est pas sur les sommités de la montagne, mais bien sur ce comité, qui dernièrement, par une bouche éloquente, a noblement vengé la société des théories barbares du socialisme !

Malgré l’opiniâtre défense de M. Goudchaux, il a été battu, puisqu’en définitive il a été obligé de retirer son projet de loi sur les prêts hypothécaires ; mais, depuis, il a annoncé la présentation d’un projet d’impôt sur le revenu mobilier. Le principe de cet impôt mérite le plus sérieux examen ; c’est un impôt nouveau à introduire chez nous, et si la république ne trouve pas dans les impôts existans sous la monarchie des recettes suffisantes pour aligner ses budgets, si elle a besoin d’ouvrir de nouvelles sources de revenus, l’idée de l’income-tax mérite d’être prise en grande considération, mais c’est aux conditions suivantes : que l’impôt sera proportionnel et non progressif, qu’il atteindra toutes les sources du revenu mobilier, sans autre exception que le minimum d’où on le fera partir ; enfin, qu’il sera très modéré, qu’il ne dépassera pas 2 à 3 pour 100. À ces conditions, si la nécessité de créer de nouveaux impôts est démontrée, nous admettons le principe, mais nous conjurons l’assemblée nationale de rejeter toute idée de progression dans l’impôt. Nous espérons qu’elle fera justice du déplorable système sur lequel est fondé le projet de loi qu’elle sera appelée à discuter prochainement, la nouvelle taxation par voie progressive des donations et successions. La pensée qui a présidé à cette création est une pensée évidemment socialiste ; c’est celle de M. Garnier-Pagès, qui voulait, assure-t-on, détruire, par la voie successive de l’impôt, toute fortune au-dessus de 30,000 francs de revenu. Nous conjurons l’assemblée nationale de rejeter cette première application de si funestes doctrines, qui opposeraient un obstacle invincible à l’accroissement naturel des fortunes par l’industrie et aux progrès de la richesse nationale. N’y a-t-il pas quelque chose d’odieux, qui blesse au premier coup d’œil les esprits impartiaux, dans ce langage qu’on veut faire tenir à la loi : plus le travailleur se sera enrichi par sa capacité, par son esprit d’ordre et d’économie, quelquefois par son génie, plus il aura de droits à payer au fisc pour transmettre à ses enfans, à ses héritiers, le fruit de son travail ? L’impôt progressif est une punition imposée à l’homme qui, par ses qualités, s’élève au-dessus de ses semblables ; c’est une prime qu’on veut imposer à l’homme d’ordre et d’économie en faveur de la