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comme à Naples, de la double besogne. La destitution de M. Mignet, dont le motif avoué rompait si singulièrement la direction ostensible de nos rapports avec la royauté sarde, cette destitution, qui fut si vite comprise en Italie, était un encouragement pour tous les ennemis de la Sardaigne en particulier, de la monarchie en général. Au lieu de s’entendre, de s’unir, de s’armer. Milan, Venise, toutes les villes lombardes vivotèrent le plus qu’elle purent de leur patriotisme bâtard, en rêvant leur fameuse indépendance communale. La république fit son 15 mai à Naples comme à Paris, et le roi de Naples rappela ses troupes pour sauver sa couronne. Tout le faix retomba donc sur le Piémont, et maintenant, repoussé du Mincio sur l’Oglio, de l’Oglio sur l’Adda, de l’Adda sur Milan, de Milan sur Novarre, le Piémont se replie en lui-même et se prépare aux derniers efforts, s’il faut les derniers.

La conduite piémontaise n’a pas certes été sans reproches ; mais ce sont de nobles torts que ceux-là. Charles-Albert s’est comporté en roi plus qu’en général, voilà sa faute. La pensée des devoirs que lui imposait, vis-à-vis de ses nouveaux sujets, cette couronne de fer qu’il enlevait à la pointe de l’épée, la préoccupation incessante des services que tous attendaient également de son armée, ne lui a pas permis de distribuer ses troupes selon les lois d’une bonne stratégie. La ligne du Mincio était trop longue, parce qu’il avait voulu trop couvrir. La triste défaillance d’un officier supérieur chargé de la surveiller en a d’ailleurs facilité la rupture. Justice a été faite à la manière piémontaise, et le grand nom du coupable n’a point arrêté l’exécution d’une minute ; mais le mal était consommé. C’était un mal aussi que cette imprudente retraite sur Milan. Les généraux et le ministre au camp s’y opposaient ; le roi savait qu’ils avaient raison, mais il voulait donner aux Milanais un gage de sa fidélité reconnaissante en combattant avec eux sous leurs murs. Milan n’avait préparé ni munitions, ni vivres, et l’on a vu comment Charles-Albert en est sorti. Aujourd’hui, les Autrichiens y sont rentrés. Le vieux maréchal Radetzky a repris toutes ses positions après une campagne qui honore sa tactique et ses soldats ; le général Welden pénètre dans les Légations, annonçant qu’il y vient rétablir l’ordre, et l’on ne dit point encore que l’armistice de quarante-cinq jours conclu sur la médiation anglo-française entre l’Autriche et le Piémont comprenne le reste de l’Italie.

L’armistice est-il le prélude d’un arrangement plus définitif, et quelles seraient alors les conditions de la paix ? Nous ne voulons rien préjuger, dans l’incertitude absolue des événemens ultérieurs qui peuvent, d’un moment à l’autre, compliquer encore davantage toute la situation européenne. Nous croyons seulement que la paix est le besoin et le désir des grandes puissances, la Russie exceptée, qui met trop de luxe à vanter sa modération pour que cette modération soit bien sincère. Lord John Russell adonné, dans un langage simple et cordial, les assurances les plus favorables. Notre Moniteur a répondu d’un ton en soi très débonnaire, sauf quelques mots d’allure triomphante dont on ne démêle pas beaucoup la raison. Le vicaire de l’empire allemand fraternise avec les Francfortois de la façon la plus patriarcale et suspend les hostilités en Danemark. L’Autriche ne s’obstinerait pas toute seule à faire la guerre, si le monde entier voulait faire la paix. Le pourra-t-il, s’il le veut ? C’est cependant un merveilleux phénomène que ce beau concert de protestations pacifiques en un moment où l’Europe est sur pied, l’arme au bras, la mèche plumée. Est-ce la fin d’une