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de l’avenir, mais tout l’ensemble de ces devoirs moraux et matériels qu’on appelle le gouvernement, sur des épaules assez fortes pour le supporter sans fléchir. Il faudrait en même temps qu’elle assurât, par une organisation sincère du pouvoir législatif, à la vraie majorité, à la presque unanimité de la France, une prédominance régulière proportionnée à sa force véritable, et qui lui appartînt naturellement, sang secousse, sans crise, sans aucun de ces efforts de tension extraordinaire qui épuisent rapidement les nations. Un tel pouvoir, une telle représentation, sont indispensables pour que la France, sentant ses intérêts sous bonne garde, puisse un instant prendre haleine et vaquer à ses affaires. L’organisation du pouvoir exécutif, la composition du pouvoir législatif, ce sont là les deux points essentiels de la constitution nouvelle. Ce sont les organes vitaux de la société, ceux sans lesquels ni son cœur ne peut battre, ni son sang circuler. Il lui faut et une représentation véritablement pénétrée de ses besoins et des pouvoirs en état d’exécuter ses volontés. Nous tenons quitte du reste ; mais, à moins que cela, la société ne peut pas vivre, car les convulsions où nous sommes ne peuvent pas s’appeler la vie. Voyons donc rapidement si l’une ou l’autre de ces conditions indispensables se rencontre dans la constitution nouvelle.

Je n’ignore pas qu’il ne serait pas juste de demander à une constitution républicaine de remplir la première de ces conditions, comme on pourrait l’attendre avec des idées et des habitudes d’un autre régime. La force du pouvoir exécutif, telle que jusqu’à présent nous y sommes habitués, est incompatible, je le sais, dans toute son étendue avec la république. On pourrait dire même sans exagération qu’un pouvoir exécutif comparativement faible est de l’essence même d’une constitution républicaine. C’est son écueil ou son mérite, suivant le point de vue où on se place, comme on voudra bien le prendre. Ni inviolabilité, ni hérédité, ces deux garanties enlevées rendent nécessairement l’action du pouvoir exécutif plus timide et ses vues plus courtes ; mais ce qu’on peut toujours demander à une constitution, quelle qu’elle soit, c’est un peu de proportion entre la tâche qu’elle impose et les moyens qu’elle donne pour la remplir ; c’est de ne pas charger les faibles bras d’un enfant d’un poids qui écraserait un homme dans la vigueur de l’âge ; c’est de ne pas diminuer à plaisir la force motrice du navire, sans altérer la masse d’eau qu’il déplace. Or, c’est précisément là, si j’ai bien compris, l’opération que nos législateurs nouveaux nous proposent par l’organisation du pouvoir exécutif.

Voici cinquante ans bientôt, en effet, que la France est couverte par les colonnes et les arcs-boutans d’une administration majestueuse, qui confond l’imagination par sa grandeur et la ravit par sa régularité. Cette administration rayonne sur les points les plus reculés du territoire, elle étend partout sa main, elle embrasse tout de son regard,