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une fausse antithèse, sa liberté ou son repos, mais l’apparence d’une liberté politique illusoire à la revendication de ces libertés naturelles, sacrées, imprescriptibles, sans lesquelles la vie ne vaudrait pas la peine d’être conservée un seul instant. En abolissant la plus dure des tyrannies, la tyrannie révolutionnaire, elle a rendu à la liberté un service qui lui fait pardonner tous ses torts. En lui déclarant la guerre aujourd’hui, la république aurait l’air de prendre une revanche et de poursuivre un ressentiment personnel. Mais il faut pourtant savoir ce que l’on veut, et, si l’on veut une république, il la faut avec ses conditions, il la faut véritable et conséquente. On avait déjà beaucoup de peine à faire de l’administration impériale une institution constitutionnelle ; on n’en peut pas faire une institution républicaine. L’esprit d’unité, de concentration, de surveillance, et, pour ainsi dire, de jalousie universelle qui y règne, disons plus, le souffle puissant du dictateur qui l’inspira à son origine, et qui s’y fait encore partout sentir, répugnent invinciblement à l’esprit républicain. Il faut que l’un cède la place à l’autre. C’est un choix à faire, et, après tout, ce n’est pas un plus grand sacrifice que celui que nous demandait naguère un ministre de la justice, quand il déclarait l’indépendance de la magistrature incompatible avec la république. Détachez quelque part, dans un de nos musées d’artillerie, l’armure colossale d’un des chevaliers du moyen-âge, habillez-en un petit conscrit de nos campagnes, et vous aurez à peine une idée de l’attitude maladroite d’un président de république ridiculement affublé de l’administration impériale. L’épée du géant s’embarrassera à tout instant dans ses jambes.

Y avait-il un moyen de conserver les bienfaits de cette grande administration, la simplicité, l’unité d’action, la facilité du contrôle, l’économie de dépenses, la clarté des opérations, et d’en alléger un peu le fardeau ? C’est à espérer, ou tout au moins, pour des républicains, c’était à essayer. Une séparation intelligente faite entre les intérêts véritablement généraux du pays et les intérêts particuliers des départemens et des communes, et, ce départ une fois accompli, l’organisation d’autorités locales pour diriger les affaires locales, dans leur indépendance, mais sens la responsabilité, qui est la condition de l’indépendance, en un mot l’émancipation véritable des communes, c’était peut-être le nœud de la difficulté. À coup sûr, ce devait être la première préoccupation de législateurs républicains, car c’est là le fondement de tout établissement républicain qui se pique d’être sincère et prétend à être durable. Ce n’est que sur le théâtre étroit de la commune, là où les intérêts, assez rapprochés pour être saisis d’un coup d’œil dans leur ensemble, se laissent toucher au doigt ; ce n’est qu’en faisant de chaque commune une petite république subordonnée sans doute à la grande, mais vivant de sa propre vie, ayant son forum et ses magistratures, son