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mesquines, et placé en face du plus impérieux des souverains, d’un souverain sans responsabilité et sans contre-poids, d’un corps à cent têtes et à cent bras, en un mot d’une assemblée unique de sept cents membres. Personne ne peut dire non plus quelle figure fera à cette hauteur et sur un tel piédestal l’homme malheureux contraint d’y venir étaler à tous les yeux son impuissance et sa misère.

Tel est cependant le supplice auquel la constitution nouvelle entend condamner son pouvoir exécutif. Tandis que beaucoup de bons esprits doutaient déjà, sous la monarchie constitutionnelle, si le maintien complet du système administratif, tel que l’empire nous l’a laissé, et l’excès de la centralisation étaient compatibles avec la rude condition que les institutions libres font au pouvoir, les législateurs républicains ne paraissent pas même s’être douté qu’il y eût là une difficulté digne d’attirer leur attention. En faisant passer le pouvoir exécutif de la dignité d’institution permanente à un état qui est la mobilité même, en le faisant descendre des hauteurs de l’inviolabilité dans la sphère de la discussion et sous la juridiction des tribunaux, ils n’ont pas imaginé que, pour rétablir l’équilibre, pour lui permettre de respirer et de se mouvoir avec quelque liberté, il était absolument nécessaire de le soulager d’une partie de sa responsabilité. Le nouveau président de la république, c’est encore le roi constitutionnel, moins l’inviolabilité, qui, si mal observée qu’elle fût, le préservait de quelques attaques ; moins le veto royal, qui, en l’associant au pouvoir législatif, lui donnait quelque moyen de se défendre contre ses envahissemens, mais toujours responsable du moindre incident qui trouble la paix sur tous les points du territoire, de la moindre contrariété qui froisse, à deux cents lieues de la capitale, un citoyen inconnu. La constitution nouvelle lui donne beaucoup moins, mais veut en recevoir juste autant. C’est en politique comme si, en finances, elle lui demandait d’acquitter les obligations de l’ancienne liste civile en lui en refusant les revenus. Les réclamations si ardentes déjà que certaines parties de la France élèvent contre le joug incommode de l’extrême centralisation n’ont pas eu l’honneur d’une discussion. Les questions si importantes que font naître les attributions des corps municipaux et départementaux sont renvoyées pour mémoire à des lois organiques, et, en attendant, on laissera s’adapter ensemble au hasard et comme on pourra les traditions de l’empire avec les scrupules et les entraves d’un pouvoir républicain.

Il est aisé de comprendre, à la vérité, ce qui a pu retenir ici (si tant est qu’ils y aient songé) les auteurs de la constitution. L’administration impériale, héritage d’une époque de résurrection et d’éclat, est restée, je le sais, quelque entrave qu’elle apportât à l’indépendance individuelle, singulièrement populaire en France. Elle rappelle cette glorieuse période du consulat où la France sacrifiait, non pas, comme on l’a dit, par