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avidement et sans scrupule toute occasion de parvenir. M. Cattaneo sait se placer dans l’ombre, lorsqu’il juge que sa présence peut nuire soit à lui-même, soit à autrui. Pendant toute la durée de la domination autrichienne, il rechercha l’obscurité, parce que sa propre dignité ne lui permettait pas de se montrer ailleurs qu’au premier rang de l’opposition, et qu’il avait peu de confiance dans le succès de ses adhérens. Depuis le 22 mars, après être demeuré quelques jours à la tête du comité de la guerre, il comprit que ses collègues dans le gouvernement ne tarderaient pas à se tourner contre lui, et que ses opinions pouvaient, d’un moment à l’autre, blesser d’implacables susceptibilités. Il se retira donc non-seulement des affaires, mais renonça même à toute polémique. A partir du moment de sa retraite, c’est-à-dire de la dissolution du comité dont il était le président, M. Cattaneo s’imposa la loi de ne provoquer ni d’accepter aucune discussion politique tant que durerait la guerre. Pas un journal ne put se vanter, en effet, de le compter parmi ses rédacteurs ; pas un club ne put le nommer parmi ses membres. Lorsqu’il s’aperçut que le gouvernement et la population lui attribuaient néanmoins des discours et des écrits séditieux, M. Cattaneo s’enferma chez lui et ne consentit plus à recevoir qu’un très petit nombre d’amis intimes. Il est juste de dire que l’opinion des républicains fédéralistes ne fut pas même représentée dans l’arène des discussions politiques en Lombardie.

Ce que j’ai dit de l’attitude des républicains unitaires et fédéralistes a dû suffire pour montrer que le gouvernement provisoire ne pouvait aucunement attribuer aux menées des partis les embarras de sa situation. Les causes de ces embarras, je les ai fait connaître, et c’est en lui-même qu’il faut les chercher. Avant de commencer le récit de nos derniers malheurs, j’ai dû montrer sur qui en doit peser la responsabilité. Si l’ennemi nous a surpris avec un trésor vide, une population désarmée, des troupes sans discipline, en face de l’Italie inactive et presque indifférente, on sait maintenant que la population lombarde réclamait en vain des armes, que le désordre et la division étaient au sein du gouvernement provisoire, que ce gouvernement et le quartier-général de l’armée piémontaise avaient refroidi, par une suite de mesures impolitiques, l’enthousiasme fraternel des volontaires italiens. Ces faits étant connus, on comprendra mieux l’histoire des dernières épreuves que la Lombardie vient de traverser, et qui seront pour toute l’Italie, nous l’espérons, un enseignement salutaire.


CHRISTINE TRIVULCE DE BELGIOJOSO.