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DE

L’INDUSTRIE AGRICOLE

EN FRANCE.




Qu’on se reporte aux temps où chaque famille se faisait gloire de se nourrir avec ses récoltes, d’user les vêtemens et les meubles qu’elle avait fabriqués, et qu’on imagine la stupeur du chef de maison à qui on eût dit : « Les tissus que font vos femmes sont grossiers, les outils que forgent vos esclaves sont défectueux ; le tout vous coûte beaucoup trop cher, et votre économie est ruineuse. Il faut que chaque objet soit confectionné par ceux qui réunissent les moyens de bien faire ; il faut que la force de l’homme soit centuplée par des procédés mécaniques, que les transports et les échanges, multipliés et variés à l’infini, mettent les produits à la portée de tout le monde. » Ne voyez-vous pas, à ce langage, le vieux patricien secouer la tête avec une indignation concentrée, et puis éclater tout à coup : « Des ouvriers travaillant sans savoir pour qui ! Des milliers d’hommes réunis pour faire les uns le fil, les autres la trame, ceux-ci la teinture et ceux-là les broderies ! des produits qu’on trouvera sous sa main sans les avoir commandés ! tous les besoins prévus et satisfaits ! Est-ce croyable ? Et que deviendront, dans ce beau système, le labeur domestique et les saintes traditions du foyer ? Arrière, vous êtes un rêveur, sinon un factieux ! » Les siècles ont fait leur œuvre. Aujourd’hui, chaque fabrication constitue une spécialité, chaque entreprise cherche les conditions les plus favorables pour produire beaucoup et bien. Les hommes, de plus en plus