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la pauvreté vis-à-vis de la richesse. M. Levrault lui trouvait l’air impertinent.

— Monsieur le marquis, dit enfin Gaspard, qui sentait la nécessité de faire bonne contenance, j’ignorais que vous fussiez de retour dans vos terres.

Gaston le regarda avec hauteur et ne répondit que par une légère inclination de tête. Il ne convenait pas à ce jeune homme d’accepter un rôle, quel qu’il fût, dans la comédie qui se jouait à la Trélade. Au bout de quelques instans, il prit congé de M. Levrault et de sa fille, et se retira comme il était entré, sans saluer le vicomte Gaspard de Montflanquin.

Débarrassé de la présence de ce visiteur incommode, Gaspard respira plus à l’aise. La courte apparition du marquis, la réserve de ses manières, le piètre effet qu’il avait produit sur M. Levrault, le silence même de la jeune fille, qui s’était abstenue jusque-là de faire la moindre allusion au chemin du diable, avaient à peu près rassuré le vicomte, qui se préparait à reprendre avec son beau-père l’entretien fatalement interrompu au moment le plus intéressant ; mais Gaspard ne devait pas en être quitte à si bon marché.

— Monsieur le vicomte, dit Laure d’un ton sec et bref qui ne présageait rien de bon, j’ignorais qu’il y eût des La Rochelandier dans notre voisinage ; je l’ignorerais encore à cette heure, si le hasard eût imité votre discrétion. Il me semble pourtant que la marquise de La Rochelandier et son fils valent bien le comte de Kerlandec et le chevalier de Barbanpré. Remarquez, monsieur le vicomte, que je ne parle pas de vous.

— Je déclare que ce marquis ne m’a pas charmé du tout, s’écria M. Levrault avec un dédain suprême. Qu’est-ce que c’est que ça, les La Rochelandier ? D’où ça vient-il ? où ça perche-t-il ? C’est la première fois que j’entends parler de ces gens-là.

— Je le répète, répliqua Gaspard affectant une sécurité qui n’était déjà plus dans son cœur, je ne savais pas que les La Rochelandier fussent de retour dans leurs terres.

— C’est bien étrange, monsieur le vicomte, ajouta Laure d’un air distrait, tout en jouant avec sa cravache qu’elle avait encore à la main. Voici près de trois ans que la marquise et son fils sont de retour dans leur domaine : le temps vous aura manqué pour l’apprendre.

— Mademoiselle, reprit Gaspard, je croyais, je m’étais laissé dire que la marquise et son fils étaient partis pour Frohsdorf à la fin du dernier hiver. Je dois ajouter que les La Rochelandier appartiennent à une fraction de la noblesse que j’ai vue long-temps, mais que je ne vois plus.

— Ah ! vous ne voyez plus les La Rochelandier… Je l’aurais deviné,