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et transylvaine. On chercha par différentes mesures à se concilier la faveur des états ; plusieurs fonctionnaires de l’ordre le plus élevé furent choisis dans les rangs de l’opposition. On replaça plusieurs comtes suprêmes et magistrats destitués pour leurs opinions libérales. Enfin, on envoya comme commissaire royal à la diète un magnat transylvain, auquel des opinions patriotiques, des relations de parenté avec toute la noblesse hongroise devaient assurer personnellement la faveur des états. Le baron de Josika, personnellement dévoué au gouvernement autrichien, appartenait à cette génération, encore jeune alors, qui s’efforçait loyalement, au risque de déplaire quelquefois Vienne comme à Pesth et à Clausenbourg de faire une Transylvanie libre, mais fidèle à l’Autriche, et qui rompît enfin avec la vieille école des conspirations et de la révolte. Pendant quelques années, l’administration fut sage et modérée ; les griefs s’apaisaient, et un grand parti se formait, en Transylvanie comme en Hongrie, qui cherchait à accorder la liberté avec l’obéissance due au souverain. Je ne m’étendrai point sur cette époque intermédiaire ; bien des détails qui avaient du prix en leur temps, qui révélaient un progrès régulier, s’accomplissant, au profit de tous, ont perdu aujourd’hui leur valeur. Les détours et les stations du chemin importent et intéressent lorsqu’on arrive au but ; mais, si l’on est tombé dans l’abîme, à quoi bon repasser par ces tristes sentiers ? Les dernières diètes transylvaines suivirent, avec un peu plus de lenteur peut-être, le mouvement libéral de la diète de Hongrie ; elles accomplirent les mêmes réformes ; cependant on remarquait quelque hésitation, vers la fin, et comme un secret pressentiment de la catastrophe qui allait suivre. C’est que la Transylvanie, par son organisation même, mettait en relief toutes les impossibilités qui se cachaient au fond de la constitution hongroise. Au lieu d’être renfermées et jusqu’à un certain point absorbées comme dans le royaume magyar, les nationalités diverses étaient constituées en présence l’une de l’autre, les unes en souveraines, les autres en sujettes, toutes en ennemies. C’est là le caractère particulier de la dernière époque. Au point où nous avons pris l’histoire transylvaine, nous avons vu les combats acharnés des races qui se disputaient le pays, — après la réunion à l’Autriche la lutte, par les armes ou les complots, des nations dominantes contre le gouvernement impérial, puis quelques années à peine de progrès et de développemens constitutionnels. Aujourd’hui, par un cercle fatal, nous voici revenus à la guerre On verra que les luttes des races ne sont pas moins implacables ; on verra comment, à la honte de ce que nous continuons, d’appeler les lumières et la civilisation du XIXe siècle, les barbaries de ces Tartares qui ravageaient la Transylvanie il y a deux cents ans se renouvellent de nos jours avec la même férocité.