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légères modifications près, sur ceux de Vauban un crédit de 2,500,000 fr. Des jetées opposées aux coups de mer du large assureront le calme dans un avant-port de 600 mètres de long sur plus de 200 de large, et dans un bassin de 13 hectares tout entouré de quais ; la profondeur sera de 4 à 6 mètres dans la partie affectée au commerce, et de 9 mètres dans celle de la marine militaire ; les vaisseaux de ligne n’y seront pas moins en sûreté que dans la darse de Toulon.

L’exécution de ces travaux a déjà fourni de singuliers exemples du compte à tenir des moindres assertions de Vauban. Le duc de Vivonne, ayant eu, comme général des galères, un avis à donner sur les projets d’établissement de Port-Vendres, vint sur les lieux et jugea, avec tous le hommes de mer qui l’accompagnaient, que les jetées proposées retiendraient dans le port les sables poussés le long de la côte par les vents du nord. Vauban ne craignait pas les sables ; il attribuait au contraire tout l’encombrement du port aux eaux sauvages qui s’y jettent de la montagne ; il recommandait de les détourner et surtout de commencer les travaux par diriger vers l’anse de la Mauresque la coulée de débris pierreux qui descend par les orages au fond du bassin en construction. Les ingénieurs, de nos jours, ont négligé cette précaution. Une avalanche de pierres et de boue est venue un jour bouleverser leurs travaux, et il en coûte à notre siècle au-delà de 100,000 francs pour n’avoir pas assez attentivement lu une note écrite il y a cent soixante-dix ans. D’un autre côté, les observations rigoureuses de M. Duperré, qui termine l’hydrographie de cette côte, ont prouvé le peu de fondement des craintes du duc de Vivonne sur la marche des sables.

Indépendamment du poids que l’établissement de Port-Vendres devait mettre dans la balance des rivalités politiques, de la France et de l’Espagne, son principal avantage, aux yeux de Vauban, était d’ouvrir à notre marine un refuge assuré sur le point de la Méditerranée où la turbulence des vents et l’inhospitalité des côtes le lui rendent le plus nécessaire ; il comptait que les dépenses faites pour cet objet, seraient bientôt couvertes par la valeur des navires sauvés. Toutes ses espérances sont dépassées, par suite de l’accroissement qu’apportent au mouvement maritime, dans les eaux de Port-Vendres, des circonstances inaperçues de son temps. Depuis lors, des expériences nombreuses ont appris à tous les marins qui naviguent entre les côtes de Provence et le canal d’Andalousie à venir reconnaître le cap Creus et à marcher le long de la côte d’Espagne, au lieu de prendre la ligne directe par les Baléares : ils évitent ainsi la région de la Méditerranée où les vents sont les plus rudes, les plus variables, et trouvent dans un allongement apparent de parcours une notable économie de temps et de fatigue. Placé