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REVUE DES DEUX MONDES.

sur une route qui devient celle de tout notre grand cabotage et de toutes les relations de Marseille avec l’Espagne et l’Océan, Port-Vendres doit grandir avec la navigation à laquelle il correspond.

Des intérêts dont le XVIIe et le XVIIIe siècle ne soupçonnaient l’étendue ni même l’existence à venir sollicitent d’ailleurs aujourd’hui de développement de Port-Vendres ; ce sont ceux de notre établissement dans la province d’Oran. J’ai cherché ailleurs que dans la Revue des Deux Mondes à faire ressortir aux yeux de mon pays les avantages de cette possession : si nous savons en tirer parti, l’occupation de la place et de l’atterrage d’Oran sera plus profitable à elle seule à notre commerce et à notre puissance dans la Méditerranée que celle de tout le reste de l’Algérie.

La population civile d’Oran a décuplé depuis 1830 ; elle s’est élevée de trois à trente mille ames[1]. Entourée par les Espagnols de fortifications qui, d’après nos officiers du génie, ne coûteraient pas moins de 38 millions à construire, la place est susceptible de recevoir encore un grand accroissement de force ; mais, telle qu’elle est, quarante mille hommes suffiraient à peine pour en faire le siége. Elle commande la rade de Mers-el-Kébir, infiniment meilleure que celle de Gibraltar[2], et dont tout le mouillage sera, quand nous voudrons, battu dans toute son étendue par des feux croisés.

Cette ville, forte du côté de la terre et de celui de la mer, est située vis-à-vis Carthagène, à l’entrée orientale du canal qui sépare l’Afrique de l’Andalousie ; le courant du littoral y porte les navires qui viennent du détroit de Gibraltar ; les vents, presque toujours parallèles à la côte, sont également favorables pour aller en Espagne et pour en revenir,

  1. Elle se composait, d’après les recensemens de la fin de 1848 pour les Européens, et de la fin de 1846 pour les indigènes, de Français : 8,399 ames ; Espagnols : 10,489 ; Italiens : 1,258 ; Allemands et Suisses : 826 ; Gibraltarais : 254 ; Maltais : 54 ; Anglais : 47 ; Slaves et Grecs : 240 ; Musulmans : 3,576 ; Israélites : 4,805 ; TOTAL : 29,948 ames.
  2. La rade de Gibraltar, ouverte au sud, n’a qu’un fort mauvais ancrage. Par les vents de nord, elle est inaccessible pendant des semaines entières ; par les vents de sud, la houle y est énorme. Dans une tempête du mois de décembre 1825, cent quarante-cinq bâtimens y ont été jetés à la côte.