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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE.

LE VIEILLARD.

Pars sans crainte. Toutes les armes et tous les cœurs ne s’éloigneront pas du village avec vous. Les socialistes, s’ils viennent, trouveront ici plus de ruines que de maisons et plus de cadavres que d’habitans. Vainqueurs, ils ne nous auront pas encore vaincus. Ils pourront faire tomber nos têtes, elles ne se courberont jamais sous leurs lois infâmes, elles ne s’inclineront que pour laisser l’ame et le sang jaillir ensemble vers le ciel. Va combattre, va mourir. Ton père a combattu, ton grand-père et tes oncles sont morts, et ta mère a mis sur ton berceau une croix faite des épis et des fleurs cueillis dans les champs où je les ai ensevelis. Tu es du sang des saints. Vivant ou mort, tu entendras le cri de triomphe des saints. Une voix qui remue le cœur plus délicieusement que le sourire de l’épouse et la première parole du premier-né retentira du faîte des cieux aux entrailles de la terre. Elle dira : Victoire à Dieu !

(Les paysans, qui se sont rassemblés pendant que le vieillard parlait et qui l’ont écouté en silence, crient d’une seule voix : Victoire à Dieu !)
LE CURÉ.

Mes enfans, M. le vicaire n’est pas assez remis de sa blessure pour pouvoir partir avec vous. C’est moi qui le remplacerai. Partons. Je suis vieux, mais vous êtes robustes, et, quand la marche sera trop longue, j’en trouverai toujours un parmi vous pour me donner le bras…


V.

Le cabinet du consul.


LE CONSUL.

Eh bien ! quelles nouvelles ?

LE SECRÉTAIRE.

Assez bonnes. On a tué quelques centaines d’individus et fait sauter trois maisons. L’insurrection ne tient plus que dans un seul quartier.

LE CONSUL.

Mais enfin, que veulent-ils ?

LE SECRÉTAIRE.

Ce qu’il y a de plus impossible à leur donner : du pain.

LE CONSUL.

A-t-on saisi quelques papiers ?

LE SECRÉTAIRE.

Probablement ; mais le préfet de police voudra-t-il nous les montrer ? Je ne suis pas sûr de lui.

LE CONSUL.

Ni moi. Je suis entouré de traîtres.

LE SECRÉTAIRE.

Il faut prendre garde au ministre de l’intérieur.

LE CONSUL.

Pas plus à lui qu’à ses collègues. Ils conspirent presque tous, chacun pour le compte des autres et pour le sien en particulier. Des gredins que j’ai tirés de