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regretterais fort que M. Besson s’avisât de finir son Retour de vendangeurs ; il le gâterait à coup sûr. M. Fontallard rencontre aussi assez heureusement dans ces tripotages de couleur si vantés aujourd’hui. Il a de lui un portrait de Mlle A…, où le ton de la tête est d’une grande douceur. Par exemple, c’est là tout. Cette tête est à peine de la grosseur d’une noisette ; le reste du corps n’est pas même ébauché. Quelques promesses que puissent contenir des morceaux de cette importance, il est vraiment outrecuidant de les envoyer au salon. Après tout, pourquoi s’en gêner, puisqu’il y a un jury qui les reçoit et des hérauts qui les proclament ?

On prône bien aussi les tableaux de M. Lessore, qui peint avec des teintes plates ni plus ni moins que s’il faisait de l’aquarelle, et ceux de M. Longuet, qui s’efforce, l’honnête entreprise ! de réconcilier M. Diaz avec le dessin, et ceux de M. Voillemot, qui a cru sérieusement faire du Prudhon. Un des tableaux de M. Voillemot est intitulé Feux follets. C’est ainsi que tous devraient être nommés. À une certaine distance, l’œil surpris se demande ce que peuvent être ces fantaisies où il retrouve les effets heurtés de l’inimitable maître. Approchez : la lueur trompeuse s’évanouit, et vous ne retrouvez plus qu’une lourde couleur plâtrée avec un arrière-goût verdâtre, et des contours épais que n’a certainement pas inspirés à M. Voillemot l’étude du Zéphyr.

M. Bonvin est plus heureux quand il s’attaque à Chardin, et s’évertue à l’imiter. C’est un dessin louable ; il ne faudrait cependant pas pousser l’imitation jusqu’à copier textuellement, comme dans la Cuisinière. J’ai quelque idée qu’une certaine Récureuse pourrait bien avoir posé pour cette fraîche Limousine, et je ne serais même pas surpris que celle-ci lui eût, sans plus de gêne, volé sa casaque rouge et sa jupe de futaine rayée, qui, du reste, font honneur au modèle. M. Fontaine glane après M. Bonvin. On le voit, messieurs les réalistes, avec leurs airs et leurs prétentions de révolutionnaires, n’échappent pas non plus à l’imitation ; c’est que le pastiche et la parodie sont toujours pour une bonne part dans les révolutions.

En dehors de toute affectation et de tout parti pris, MM. Hébert, Decaisne, Pigal, ont exposé de petits tableaux étudiés et caressés avec amour. Un Episode de la vie de Poussin représente ce grand peintre reconduisant, la lampe à la main, dans son escalier, le cardinal Masini, qui était venu lui rendre visite. La justesse des poses et un effet de clair obscur très bien exprimé rehaussent ce motif insignifiant. La dernière Visite de Raphaël à son atelier et la Suzanne de M. Decaisne offrent des détails traités avec un grand soin et beaucoup de délicatesse. La Sieste de M. Hébert est d’un ton verdâtre assez singulier ; il y a une extrême finesse dans son Almée, petit tableau d’une touche précieuse. Je préfère pourtant ce petit Pâtre romain en manteau brun et en chapeau