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couleur qui cherche à imiter le maître inimitable, et ils ont bien ce regard doux et mélancolique où semble se peindre chez les animaux le regret d’une existence jadis plus heureuse.

M. Ph. Rousseau, lui, ne dépasse pas la basse-cour et l’intérieur de la ferme ; il y trouve suffisamment de quoi exercer son pinceau. Là, en effet, se produisent une foule de petits drames qui valent bien la peine que la peinture les consacre, puisque La Fontaine les a immortalisés dans sa poésie. Des trois tableaux de M. Ph. Rousseau, le Chat prenant une souris est sans contredit le meilleur pour la précision du mouvement, la vérité des attitudes et le bon goût de la couleur. Les coqs et les poules de sa Basse-cour sont d’une d’une dimension un peu exagérée, eu égard aux détails de bâtimens qui forment le fond. La couleur offre quelque papillotage M. Lemmens a peint également une Basse-cour de Normandie où grouillent des coqs, des poules, des porcs au ventre traînant jusqu’à terre, dans un pêle-mêle peu recherché, mais bien pris sur Le fait. Les chiens sont dévolus à M. Jadin, qui les traite avec tout le respect qu’on doit à des animaux d’aussi haut lignage que Fino, Griffonaud, Yellow. Ces nobles bêtes ont chacune leur portrait au salon de 1849, avec leur nom en lettres d’or inscrit sur fond d’azur. À voir la vigueur, la franchise, la solidité de pinceau de M. Jadin, On se prend à regretter de ne pouvoir faire faire son portrait par cet artiste. En vérité, depuis que nos peintres font si bien les chiens, les chats, les poules, nous sommes moins bien traités.

Les portraits humains sont cependant innombrables au salon, comme toujours. Tant de gens satisfaits de leur personne éprouvent le besoin de se faire peindre ! Il n’y en a pas, sur la quantité, une demi-douzaine dignes d’un complet éloge. Celui du général Cavaignac, par M. Vernet est consciencieusement étudié, la couleur en est brillante et le modelé remarquable ; mais il a le défaut de n’être pas très ressemblant ; M. Louis Boulanger, M. Landelle. M. Verdier, en ont expose plusieurs qui se recommandent par des qualités très dissemblables. M. Boulanger dessine soigneusement et modèle avec peu de chose ; M. Landelle possède un coloris doux et flatteur, sans beaucoup de consistance, qui plaît au premier abord ; mais on se fatigue bientôt de cette exécution courante et un peu molle. M. Landelle devrait moins produire ; il est à craindre qu’en abusant de sa facilité, il ne finisse par énerver complètement sa peinture. Le portrait de M. HéIy d’Oissel résume les qualités et les défauts de M. Landelle ; c’est, avec celui de Mme B. C… un des meilleurs de ceux qu’a exposés cet artiste. J’aurais dû en son lieu mentionner aussi sa République, figure colossale qui n’a pas toute la sévérité de lignes que demandait le sujet, mais qui, outre le charme d’une harmonieuse couleur, a le mérite d’être conçue en dehors de cet attirail formidable dont la plupart se sont crus obligés de l’orner.