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n’était pus là : il n’y avait plus que Chamillard, et le pauvre homme avait assez à faire avec la coalition européenne à combattre et Mme de Maintenon à ménager. Marcel attendit long-temps. Enfin un jour, fatigué d’attendre et dans un moment de désespoir, il brisa sa machine et jeta au feu ses dessins. À quelques années de là il mourut, emportant son secret. Il ne laissa ni plan, ni description de ses instrumens, et l’on ne trouva dans ses papiers que son Livre des signaux (Citatoe per aëra decursiones), dont sa femme et un de ses amis avaient seuls la clé.

Le nom de Guillaume Marcel est à peu près oublié aujourd’hui, ou du moins il n’est resté attaché qu’à quelques ouvrages qu’il a laissés concernant l’histoire sacrée et profane et la chronologie. C’était le premier chronologiste de son siècle. Il réunissait, en effet, toutes les qualités de l’état ; sa mémoire tenait du prodige. Le Journal des Savans de 1678 (où il est désigné, par erreur typographique, sous le nom de Marcet) nous apprend qu’il faisait faire l’exercice à un bataillon, « nommant tous les soldats par le nom qu’ils avaient pris en défilant une fois devant lui, » et qu’il faisait, de mémoire, une opération d’arithmétique, fût-elle de trente figures. On ajoute qu’il dictait à la fois, à plusieurs personnes, en six ou sept langues différentes.

Nous arrivons aux premiers essais de télégraphie électrique. La découverte des phénomènes généraux de l’électricité ne date que du milieu du XVIIIe siècle. C’est vers l’année 1750 que Grey en Angleterre et Dufay en France observèrent les premiers les faits fondamentaux qui devaient servir de base à toute une science nouvelle. L’observation du transport à distance de l’électricité, la découverte des corps conducteurs et non conducteurs, les curieux phénomènes de l’étincelle électrique, tous ces faits si imprévus et si neufs avaient excité au plus haut degré l’attention du monde savant. De tous côtés se succédaient les découvertes. Mussenbroek construisait la bouteille de Leyde, Lemonnier observait les singuliers effets de l’électricité statique sur le corps de l’homme et des animaux, Franklin essayait d’apprécier la vitesse de transmission le l’électricité, et voyait avec un étonnement profond le fluide franchir, dans un espace de temps inappréciable, la distance de deux lieues. Peu de temps après, Franklin découvrait au sein de l’atmosphère la présence de l’électricité libre ; préludant à la plus éclatante des découvertes humaines, il s’apprêtait à aller conjurer au sein des nuées orageuses les terribles effets de l’électricité météorique.

Au milieu de cet élan général vers l’étude des phénomènes électriques, il était impossible que l’idée si élémentaire et si simple d’appliquer l’électricité à la transmission des signaux ne vint pas à se produire. Dès l’année 1750, il paraît que l’on conçut en Angleterre le projet d’établir un télégraphe mis en action par l’électricité ; cependant Ce projet resta sans exécution. L’honneur d’avoir réalisé le premier cette curieuse application des phénomènes électriques appartient à un savant genevois nommé George-Louis Lesage. C’était un physicien habile qui a laissé des travaux estimés ; il vivait à Genève du produit de quelques leçons de mathématiques. C’est vers l’année 1760 que Lesage conçut le projet d’un télégraphe électrique qu’il établit, dit-on, à Genève, en 1774. L’instrument se composait de vingt-quatre fils métalliques séparés les uns des autres et noyés dans une substance isolante et non conductrice. Chaque fil allait aboutir à un électromètre particulier formé d’une petite balle de sureau suspendue à un fil de soie. En mettant une machine électrique ou un bâton de