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de ce long conducteur métallique établi sur les bords des voies de fer. Ici encore l’expérience est venue prononcer en faveur de la nouvelle télégraphie. Par un ciel serein, l’électricité répandue dans l’air n’exerce aucune action appréciable sur les instrumens télégraphiques. Seulement, si le vent vient brusquement à changer, il s’établit un courant électrique qui influence faiblement le fil conducteur ; dès-lors l’appareil parle, c’est-à-dire que les signaux sont subitement mis en jeu et oscillent pendant quelques instans. Si le ciel est nuageux et les nuages fortement électrisés, quand le vent chasse les nuages dans la direction du fil, ces nuages agissent sur le conducteur, et les signaux se mettent encore en branle. Dans ces deux cas cependant, les effets n’ont rien de fâcheux ; ils ne peuvent aucunement troubler le service ; seulement, si la foudre éclate, si l’étincelle, partant d’un nuage fortement électrisé ; vient à frapper le sol, le fil métallique du télégraphe offrant à l’écoulement du fluide un passage facile, le conducteur peut être foudroyé. Quels sont alors les effets de ce coup de foudre ? Quelquefois le fil est rompu, les communications sont alors interceptées entre les deux stations ; mais cet événement est extrêmement rare, le fil étant d’un trop fort diamètre pour être aisément fondu. Dans tous les cas, si le fil est fondu, il ne l’est jamais que sur quelques points de sa continuité, et tout se borne à cette rupture. Le plus souvent la foudre, en frappant le conducteur, n’a d’autre effet que de fondre le fil très fin qui s’enroule autour de l’électro-aimant, c’est-à-dire de l’appareil qui forme les signaux. Alors les communications sont, arrêtées. C’est un accident qui est arrivé plusieurs fois sur la ligne de Rouen. Toutefois le mal est vite reconnu et aussi vite réparé. Rien, on le voit, n’est moins grave que les accidens déterminés par l’électricité atmosphérique dans les appareils de télégraphie électrique.

Un examen sérieux de toutes les questions soulevées par la nouvelle télégraphie ne mène donc qu’à une seule conclusion : c’est que rien ne saurait justifier l’accueil peu encourageant fait en France à la télégraphie électrique. L’exemple de l’Angleterre et des États-Unis ne nous permet pas d’hésiter : il nous indique la marche à suivre. Quelques mesures énergiques suffiraient pour tirer la télégraphie électrique de l’état d’imperfection et d’enfance où elle sommeille chez nous. Ces mesures sont les suivantes : 1° abandon du système de M. Foy, aujourd’hui en usage sur les chemins fer de Paris à Lille et de Paris à Rouen ; 2° adoption d’un système télégraphique fondé sur les principes du télégraphe à cadran de M. Westheaone ; 3° ouverture d’un concours de télégraphes électriques où seraient appelés les mécaniciens français et les constructeurs étrangers ; 4° libre usage du télégraphe électrique accordé au commerce et aux particuliers. Que ces conditions soient remplies, et la télégraphie électrique aura bientôt conquis en France la position qui convient à ce nouvel et puissant agent de communication. Il y a là une grande question d’utilité publique qu’il n’est pas permis de négliger, et le gouvernement qui saura la résoudre aura bien mérité de la science et du pays.


L. FIGUIER.


ERRATA

Dans l’article sur la Télégraphie aérienne et la Télégraphie électrique, page 611, ligne 4 et suivantes, au lieu de : « une lame d’acier communique à l’acier, etc. : , » lisez : une lame de fer communique au fer. Il faut partout, dans cette page, substituer les mots aimantation du fer aux mots aimantation de l’acier. C’est une erreur de plume facile à rectifier. »