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pour la commodité de l’inspection journalière, pour l’indispensable surveillance à exercer sur le parcours des lignes, il nous paraît douteux que rien puisse remplacer la précieuse ressource qu’offrent les voies de fer.

Quant à l’objection qui dépenses de premier établissement, elle ne soutient en vérité pas l’examen. Le télégraphe électrique de Paris à Rouen n’a coûté que 1,400 fr. par kilomètre. De Paris à Toulon, par exemple, la dépense totale des frais d’établissement n’atteindrait pas la somme de 1,200,000 fr. D’autre part, les frais journaliers sont assez faibles, puisque tout se réduit à l’entretien des fils conducteurs, et le personnel est si peu nombreux que les dépenses d’administration sont insignifiantes. Toutefois, les frais d’établissement et d’entretien fussent-ils mille fois plus considérables, la télégraphie électrique l’emporterait encore, au point de vue de l’économie, sur la télégraphie aérienne. Aujourd’hui, celle-ci coûte annuellement un million au budget, et le gouvernement ne s’en inquiète guère, car cette dépense est couverte en grande partie par les économies que l’on réalise sur les estafettes et sur les courriers. Que sera-ce donc lorsque la vitesse de la communication sera centuplée, et quand le télégraphe pourra manœuvrer en toute saison, à toute heure de la nuit ou du jour, sans rien perdre de sa prodigieuse rapidité ! Le gouvernement, d’ailleurs, peut, quand il le voudra, tirer des lignes électriques un revenu assez important. Il lui suffira, pour cela, de mettre les télégraphes au service du commerce, de l’industrie et des particuliers, d’abandonner en un mot le monopole des communications télégraphiques dont il jouit en vertu de la loi de 1834. L’exemple de l’Angleterre, des États-Unis et de la Belgique répond, sous ce rapport à toutes les objections. Dans ces trois pays, le télégraphe, mis à la disposition du public, fournit à l’état un produit considérable. Le commerce et l’industrie auraient aussi leur intérêt à l’adoption de cette mesure, dont ils retireraient d’immenses avantages. L’expérience a montré que deux services télégraphiques, consacrés l’un aux dépêches du gouvernement, l’autre aux correspondances particulières, peuvent coexister sans inconvénient. Le changement fréquent des clés du vocabulaire dans la correspondance de l’état suffit en effet pour garantir le secret de ses messages.

Les objections dirigées contre les propriétés mêmes de l’agent électrique ne tirent guère leur importance, il faut bien le dire, que de l’ignorance et de la crédulité du public. On a prétendu d’abord que les mille variations de l’atmosphère, les brouillards, la pluie, les vapeurs condensées dans les tunnels, seraient autant d’obstacles à la libre circulation de l’électricité. La pratique a suffisamment répondu à ces craintes. L’isolement des fils conducteurs est parfait. Sous les tunnels comme sur les bords de la voie, le courant n’est jamais interrompu ni dissipé. Il se maintient avec la même régularité par les temps secs et par les temps de brouillard ou de pluie. On a même remarqué que la pluie est une condition plutôt favorable que contraire à la transmission des signaux, Dans le télégraphe que le savant Jacobi a construit en Russie, les conducteurs cheminent sous terre sur un espace de plus de sept lieues, et les communications ne sont jamais suspendues. On a beaucoup parlé aussi des difficultés que doit amener dans le service du télégraphe électrique l’existence constante de l’électricité libre au sein de l’atmosphère. On s’est demandé si, en temps d’orage, la vie des voyageurs ne serait pas mise en danger par la proximité