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le jeu de la scène ne lui ont pas permis de prendre part à cette grande rénovation de la musique dramatique.

La vocalisation de Mme  Catalani était quelque chose de vraiment prodigieux. Parmi les ornemens infinis qu’elle ourdissait avec une rare élégance, on remarquait surtout la facilité avec laquelle elle faisait les gammes chromatiques plaçant sur chaque note un trille qui scintillait comme un diamant de l’eau la plus pure. Tantôt elle le frappait avec vigueur, imitant les battemens stridens de l’alouette ; tantôt elle le couvrait d’une gaze mélodique qui en adoucissait l’éclat. Elle aimait aussi à piquer la note de plusieurs coups de gosier réitérés, martellement gracieux qui avait été le joyau favori de la Mingotti, l’une des plus célèbres cantatrices de la première moitié du XVIIIe siècle. Sa respiration longue et bien ménagée lui permettait de donner à la phrase mélodique l’horizon nécessaire et d’accidenter le son, qui était toujours éclatant et postoso. Mme  Catalani excellait dans les effets de contraste, faisant succéder à un éclat impérieux la mezza voce la plus mystérieuse. Le plus grand défaut qu’on pût reprocher à cette vocalisation si riche et si splendide, c’était un mouvement nerveux imprimé au menton, et dont Mme  Catalani n’a jamais pu se corriger. Ce mouvement disgracieux à la vue, et qui accusait un vice d’éducation vocale, est devenu tellement commun de nos jours, qu’on le remarque chez les artistes les plus renommés. Mme  Ugalde, de l’Opéra-Comique, n’en est pas plus exempte que M. Mario.

Douée d’un heureux instinct, possédant une voix de soprano des plus étendues, des plus sonores et des plus flexibles qui aient jamais existé, bel oiseau de paradis dont le ramage égalait la magnificence du plumage, Mme  Catalani fut plutôt une merveille de la nature qu’un produit de l’art. Elle jouait de la voix comme Paganini jouait du violon, mais sans avoir son génie fougueux et fantastique. Sirène au doux langage, elle enivrait les passans, et l’on pouvait dire de sa mélopée ce qu’un père de l’église a dit de la dialectique des sophistes : « Elle circule autour du cœur, — circum proecordia ludit, — sans y pénétrer jamais.


P. SCUDO.