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communes qui osaient contester ses prérogatives. La sanglante Mary se contenta de les envoyer à la Tour. Des étincelles d’indépendance éclatèrent sous Élisabeth. Il lui arriva un jour de dissoudre les communes en leur disant : « Vous avez la présomption de vous mêler des affaires d’état, qui sont matière au-dessus de votre entendement, je vous décharge de cette tâche. » Il y eut dans les communes une voix qui répondit que « sans la liberté de parole, c’était une moquerie d’appeler cette chambre une chambre de parlement ; ce n’est qu’une école de flatterie et dissimulation et si un lieu bon à servir le diable et ses anges, et non à glorifier Dieu et à bénéficier la communauté. » La hardiesse et la force des communes augmentèrent sous le ridicule et méprisable Jacques Ier ; mais celui-ci, qui cédait sur les choses, se rattrapait sur les mots. Il disait nettement aux communes qu’il était roi absolu. Il avait une singulière façon de leur demander de l’argent, de présenter son budget : « J’attends de vous une contribution d’amour, mais quant à discuter avec vous la somme et la forme, c’est un détail trop bas pour ma qualité. » À cela, les communes objectaient avec une hypocrite humilité, dans une adresse qu’on croit avoir été rédigée par Bacon : « La raison que nous avons, nous vos pauvres communes, pour veiller à nos privilèges est manifeste à tous les hommes. Les prérogatives du prince peuvent aisément s’accroître et grandissent chaque jour. Les privilèges du sujet sont éternellement en question. Ils peuvent, par bonne prévoyance et sollicitude, d’être conservés, mais, une fois perdus, on ne les recouvre qu’avec beaucoup de troubles. » Savez-vous comment Jacques répondait à ces remontrances ? Il envoyait chercher le procès-verbal des délibérations des communes, et, de sa propre main, déchirait la page où étaient inscrites les paroles mal sonnantes. La lacune se voit encore sur le vieux registre, dans les archives parlementaires, reliquaire auguste des libertés anglaises.

Voilà le combat que Charles Ier portait dans sa destinée. On a bien eu raison de l’appeler le roi martyr. Il n’y a pas de figures plus touchantes dans l’histoire que celles de ces hommes-victimes sur lesquels se résolvent les crises de la vie des peuples, et dont le crime est de porter la responsabilité d’un passé qu’ils n’ont point fait, d’un avenir qu’ils n’ont pu prévoir. Il y a deux choses dans Charles Ier : le roi, l’homme. Roi, son rôle était tracé ; il ne pouvait sans avilissement laisser s’amoindrir en lui le caractère de la royauté, tel que le lui avaient transmis ses ancêtres, tel qu’il le voyait resplendir dans le reste de l’Europe ; Il ne pouvait découvrir ces idées constitutionnelles, ces vérités politiques qui s’éveillaient vaguement dans le cœur de quelques patriotes, dans les aspirations de quelques beaux génies, et qu’un siècle d’agitations et de malheurs devait seul fixer dans la conscience du peuple anglais. Homme, il avait ces qualités entremêlées de faiblesses