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le partage de la pologne.

des circonstances fortuites, supérieurement exposées par M. Mignet dans son Histoire de la Succession, et que nous ne reproduirons pas après lui ; mais, si on veut des exemples de partages définitivement accomplis, sans parler du traité de Nimègue, qui, en 1678, donna à la France une portion des Pays-Bas espagnols, la Sicile, en 1713, ne fut-elle pas démembrée de cette même monarchie espagnole et donnée par le traité d’Utrecht au duc de Savoie, qui, plus tard en 1720, fut obligé de la céder à Charles VI d’Autriche, et de recevoir la Sardaigne en échange ? En 1754, cet empereur ne fut-il pas contraint, à son tour, d’abandonner la Sicile avec le reste du royaume de Naples à l’infant d’Espagne don Carlos de Bourbon qui, lui-même, fit place à l’un de ses frères dans le duché de. Parme et de Plaisance ? La dynastie établie depuis un temps immémorial en Lorraine ne fut-elle pas transportée en Toscane sans aucun égard à sa nationalité, et ses états, après avoir passé par le gouvernement d’un roi détrôné de Pologne, ne furent-ils pas définitivement réunis à la monarchie française ? Que de faits analogues ne trouve-t-on pas en remontant dans l’histoire : ces mêmes duchés de Plaisance et de Parme démembrés du patrimoine de Saint-Pierre en faveur de la maison Farnèse, le duché de Ferrare incorporé à l’église, et la maison d’Este réduite contre toute justice à la possession de Modène ! Bref, depuis la ligue de Cambrai, il n’y a presque pas eu de transaction en Europe qui ne fût un traité ou un projet de partage ; mais Frédéric et Catherine ne songeaient guère à ces exemples anciens ou modernes, dont ils n’avaient aucun besoin pour passer outre à l’élection résolue par l’impératrice de Russie, consentie par le roi de Prusse.

Toutefois, quoique bien déterminée à ne se laisser arrêter par aucun obstacle, Catherine ne négligea pas de mettre les formes de son côté. Par ses ordres, son ministre plénipotentiaire, le prince Galitzin, proposa officiellement à la cour de France, au sujet des affaires de Pologne, un concert diplomatique, une entente cordiale, comme nous le disons aujourd’hui ; ou plutôt comme nous le disions hier. On va voir comment cette proposition fut reçue à Versailles.


II

Le duc de Choiseul, surnommé par Catherine le cocher de l’Europe, menait alors à grand bruit et grand train la politique de la France. D’autant plus premier ministre qu’il n’en prenait pas le titre, il ne s’était réservé aucun département particulier, disposait de tous les portefeuilles, passant à son gré des affaires étrangères à la guerre, de la guerre à la marine, non par fantaisie ou par caprice, mais d’après