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des portraits dessinés ou peints, quand des médailles, quand des sculptures du temps, exécutées par des artistes divers et accrédités, confirment un portrait, on ne saurait le ranger parmi les apocryphes.

Un savant amateur au cœur d’artiste, M. Niel, a entrepris de lever les difficultés si ardues que soulèvent les crayons. Collecteur depuis nombre d’années de portraits de ce genre, amoureux du vrai autant que du beau, il a entrepris un recueil iconographique des crayons les meilleurs et les plus curieux historiquement qui soient dans les collections publiques et particulières. Déjà plusieurs livraisons ont parti qui peuvent, sur son plan et sur l’habileté d’exécution de son œuvre, donner la plus heureuse idée[1]. Médailles, portraits peints, gravures du temps, il a tout conféré. Ne s’en tenant point aux monumens des arts, il a fouillé encore les monumens écrits et imprimés : mémoires, traités professionnels, correspondances autographes, monographies des provinces et des villes, même les vieux poètes. Les maîtres graveurs du XVIe siècle et des commencemens du XVIIe ont tout le sérieux de l’art ; il les a mis à contribution. Il savait trop bien que la plupart des grands personnages de ce temps ont passé par leur burin. Tout ce que le docte M. Niel a fait de vaillans efforts pour deviner et pour entrer ensuite de la divination dans l’induction, de l’induction dans la preuve, est incalculable. De ce procédé naît à la fin une rigueur de méthode qui poursuit dans ses dernières conséquences le possible et fait jaillir le vrai. Aussi j’avoue que, parmi les personnages dont il a déjà donné les effigies et sur lesquels il a écrit des notices où l’histoire et, l’iconologie trouvent également leur compte, il n’a laissé aucune trace d’obscurité. Sans affecter le caractère pédantesque d’une dissertation, son travail en a la substance, et, chose rare, l’écrivain sait conclure. On ne peut qu’encourager de telles recherches de goût, d’érudition et d’art inspirées par notre histoire. Elles sont la joie des temps de calme et la consolation des temps agités.

Les gravures de l’ouvrage de M. Niel offrent d’exacts fac-simile des crayons ; la dimension en est la même. Ces gravures, exécutées par un jeune artiste du nom de Riffaut, sont imprimées en couleur à plusieurs planches. La réussite de la plupart de ces gravures est telle qu’il y aurait à s’y tromper. L’œuvre fait grand honneur à l’artiste qui lutte si résolûment avec les fac-similé de Hans Holbein, gravés en Angleterre par Bartolozzi, et dont Horace Walpole nous a raconté la curieuse histoire.

Ces crayons d’Holbein avaient été vendus en France après la mort du grand peintre de Bâle. Ils sortirent de France pour être offerts en présent par M. de Liancourt au roi d’Angleterre Charles Ier. Le roi les échangea avec le comte William de Pembroke contre le Saint George de Raphaël, qui est maintenant au Louvre. Lord Pembroke, à son tour, les donna au comte d’Arundel, et, depuis la dispersion du cabinet de ce célèbre amateur, on n’en suivait plus la trace. On s’en souciait d’ailleurs aussi peu à Londres qu’on s’inquiétait chez nous de ces régals de crayons qui sont notre histoire d’un siècle. Il faut cependant qu’ils aient été acquis d’une façon ou de l’autre par ou pour la couronne d’Angleterre, car un jour, en 1727, la reine Caroline, ouvrant de fortune les tiroirs d’un cabinet

  1. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, reproduits en fac-simile sur les crayons contemporains, recueil publié avec notices par P.-G.-J. Niel, chez Lenoir, éditeur, quai Malaquais, no 5.