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chiffre un peu considérable, celles qui viennent d’Angleterre, d’Irlande et d’Allemagne. Les Anglais qui s’expatrient par pauvreté s’adressent aux diverses sociétés de bienfaisance anglaises, lesquelles les dirigent exclusivement vers les colonies anglaises. Les États-Unis ne reçoivent donc, en fait d’Anglais, que ceux à qui un petit capital permet de choisir le mode et le lieu de leur émigration. Ce n’est pas s’avancer trop que de dire que ces émigrans anglais ne sont point au-dessous de la masse dans laquelle ils sont bientôt confondus. On n’en saurait dire à beaucoup près autant des Irlandais. Il faut ajouter cependant que l’émigration irlandaise tend à changer de caractère. Les rapports récens des commissaires pour l’émigration constatent que depuis plusieurs années, et particulièrement depuis que la maladie des pommes de terre a porté un rude coup à l’agriculture irlandaise, ce n’est plus, comme autrefois, la partie la plus pauvre de la population qui fournit le plus fort contingent à l’émigration, mais la classe des petits fermiers et des petits propriétaires, qui, pour partir, retirent les dépôts qu’ils ont aux caisses d’épargne et réalisent tout leur avoir. Depuis plusieurs années, des sommes très considérables ont ainsi passé d’Irlande aux États-Unis, et l’on calcule que le capital emporté par l’émigration irlandaise s’est accru dans une proportion décuple au moins du nombre des émigrans.

Il n’en est pas moins vrai qu’un très grand nombre d’Irlandais ne parviennent aux États-Unis qu’à l’aide de la charité publique ou à l’aide des petites sommes que les émigrans partis les premiers envoient à leurs parens demeurés en arrière. Ces émigrans arrivent sans autre capital que leurs bras et sans aucune culture intellectuelle ; la plupart d’entre eux ne peuvent jamais s’élever au-dessus de la condition de simples manœuvres. Ils apportent avec eux les vices inséparables de l’ignorance et de la misère, des habitudes de malpropreté, d’ivrognerie et de paresse. L’affluence de ces émigrans irlandais a formé dans les quatre ou cinq grands ports de l’Union une populace grossière, sans règle, sans mœurs, qui est un danger sérieux pour les localités où elle séjourne, et qui est exploitée de la façon la plus funeste par les spéculateurs en politique. Il est à remarquer que la portion pauvre de l’émigration irlandaise ne s’écoule vers l’ouest qu’avec une extrême lenteur ; les plus intelligens et les plus sobres des Irlandais se classent assez facilement dans la domesticité, qu’ils recrutent presque seuls ; les autres sont obligés de consacrer plusieurs années à amasser le petit capital nécessaire pour s’établir dans l’ouest. Jusque-là, ils n’habitent tous ensemble les bas quartiers les ports de mer, entassés dans d’ignobles bouges, où personne qu’eux ne pénètre, et où ils sont décimés annuellement par des épidémies. Quelquefois même les Irlandais ont pour seule habitation des espèces de campemens à proximité des villes. Il est très rare, du reste, qu’ils ne trouvent pas à s’employer régulièrement,