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pour le discréditer avant de le voir tomber. Il avait dans son sein des hommes en qui un grand talent oratoire était au service d’une bonne et noble conscience. Nous ne voulons pas, en effet, louer l’éloquence de M. Odilon Barrot, de M. Dufaure, de M. de Tocqueville, de M. de Falloux. Nous mettons leurs sentimens et leur caractère au-dessus de leur talent, et c’est pour nous un nouveau motif de ne pas les séparer de leurs collègues, à qui nous aimons à rendre le même hommage. Arrivés au pouvoir à un moment où il s’agissait de résister énergiquement aux factions, ils l’ont fait ; de concilier les diverses nuances du grand parti de l’ordre, ils l’ont fait avec beaucoup de tact pendant long-temps ; de réparer les brutales injustices que le gouvernement provisoire avait faites dans l’administration, ils les ont réparées avec beaucoup de fermeté et une juste appréciation des hommes. Dans le département des affaires étrangères par exemple, M. de Tocqueville avait beaucoup à faire, et c’était là surtout qu’il était important de redresser les erreurs de la révolution de 1848, car c’est sur les choix du ministère des affaires étrangères que nous sommes jugés et même traités au dehors. Nous avons, dans la plupart des grandes villes politiques ou commerciales du monde, des groupes plus ou moins nombreux de nationaux qui s’y livrent aux professions industrielles et commerciales. Selon que nos ambassadeurs et nos consuls sont plus ou moins bien choisis, selon qu’ils savent se faire plus ou moins estimer par leur conduite et par leur capacité, nos nationaux, sachons-le bien, sont plus ou moins bien traités, et la France elle-même est plus ou moins bien jugée. Sous la monarchie de juillet, la France était, en général bien représentée au dehors, et cela nous avait fait un crédit sur lequel nous avons eu grand besoin de vivre depuis deux ans. Il y a eu en effet, dans le choix des ministres et des consuls que la révolution de février a nommés, une légèreté et une insouciance singulières. La carrière diplomatique et consulaire a cela de mauvais, que tout le monde s’y croit propre, sans s’y être préparé. Quand arrivent les révolutions, cet empressement des vocations après coup devient plus grand et plus importun que jamais. La révolution de février avait fait une large part à ces vocations vaniteuses et besoigneuses. De là un grand échec à notre réputation au dehors. Nous qui n’avons jamais eu grande prédilection pour la révolution de février, nous pourrions consentir à ce qu’elle fût jugée sur les représentans consulaires qu’elle s’était donnés au dehors, si derrière la révolution de février nous ne voyions pas toujours la France. Le masque est peu agréable ; mais c’est toujours le visage chéri de notre patrie. Cela nous rendait pénibles les mauvais propos que nous entendions au dehors, quand arrivaient les solliciteurs des barricades déguisés en diplomates et en consuls. M. de Tocqueville est l’un des ministres qui ont le plus résolûment sondé cette plaie étalée au dehors. Il a écarté les incapables et les indignes, et, pour les remplacer, il a choisi parmi les capacités de l’ancienne administration. C’est ainsi que M. His de Butenval a été réintégré dans son poste de ministre au Brésil, d’où la révolution de février l’avait arraché. M. Loève-Veimars, un de nos meilleurs agens consulaires, révoqué aussi par M. de Lamartine, a été envoyé comme consul-général à Caracas. M. Alletz, un des plus anciens fonctionnaires des affaires étrangères, ancien consul-général à Gènes et destitué par les hommes de février, a été replacé à Barcelone. M. Herbet, qui avait occupé pendant plusieurs