les côtes de la Manche et pris Guernesey, vint assiéger la forteresse de Montorgueil, située à l’est de l’île. Ce fut un Carteret qui sauva la place. Bientôt six des douze paroisses de Jersey relevèrent des puissans seigneurs de ce nom. Cantonnés dans la partie occidentale de l’île, ils se défendirent avec tant d’énergie à l’époque de l’invasion des Français (en 1430) conduits par un lieutenant de Pierre de Brézé, que leur île, conquise à moitié, finit par recouvrer son indépendance. On était alors au lendemain des grandes guerres qui avaient fait éclater l’héroïsme de Jeanne d’Arc et la valeur de Dunois ; les expéditions aventureuses tentaient les esprits chevaleresques de ce temps-là. Quand Marguerite d’Anjou, la fille du débonnaire René, dépossédée du trône d’Angleterre, vint à la cour de Louis XI réclamer des secours, Pierre de Brézé, sénéchal d’Anjou, de Poitou et de Normandie, s’offrit de passer la Manche avec deux mille hommes de vieilles troupes. Marguerite, pour récompenser son dévouement, lui fit don des îles de la Manche, pourvu qu’il sût les prendre. Le sénéchal, ayant débarqué en Angleterre de sa personne, envoya un de ses capitaines conquérir ses futurs domaines ; celui-ci surprit le château de Montorgueil, poussa en avant et occupa une moitié de l’île, celle qui regarde les côtes de France. L’autre tenait toujours pour Édouard IV, grace à l’opiniâtre résistance du seigneur de Saint-Ouen, que soutenaient ses vassaux, les habitans des paroisses de l’ouest. Les intrépides insulaires bataillaient souvent dans les campagnes, et venaient escarmoucher contre les Français jusque sous les tours du château de Montorgueil. L’avantage finit par leur rester : d’une part, le sénéchal de Normandie, entraîné dans la ligue du bien public, ne put secourir en personne ceux qui occupaient en son nom une partie de l’île ; de l’autre, les Anglais, appelés par Carteret, vinrent assiéger les Français dans le château de Montorgueil, qui se rendit faute de vivres.
À la suite de ces événemens, les seigneurs de Saint-Ouen furent tout-puissans dans l’île de Jersey ; mais, chose étrange, ces fiers guerriers, habitués à affronter la mort sur un champ de bataille, perdirent la tête quand la peste éclata dans Saint-Hélier, vers 1525. À l’apparition du fléau, le bailli de l’île, Hélier de Carteret, suivi des membres de la cour, des marchands et des bourgeois de la capitale, émigra ay village de Grouville. Avant d’abandonner son poste, il fit brûler tous les papiers, tous les actes publics ; c’était détruire d’un coup l’histoire entière du pays, dans laquelle les Carteret tenaient la première place. Au XVIIe siècle, les seigneurs de Saint-Ouen et autres lieux, enorgueillis de leurs vastes domaines, de l’ancienneté de leur race, et de l’importance qu’ils s’étaient acquise aux yeux des souverains anglais, commencèrent à inquiéter les habitans de Jersey. Les états (en 1642), prenant en main La défense du peuple opprimé, dénoncèrent au gouvernement