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n’est pas seulement irréligieux, c’est de mauvais goût. Tous les yeux suivent sur le livre la lecture que fait le pasteur, et plus d’une voix d’homme se mêle aux voix des femmes et des enfans qui chantent les psaumes. La piété ne paraît point gênée par le respect humain, et personne ne prie soit avec le désir, soit avec la honte d’être vu. Rentré à la maison, on fait des lectures pieuses ; les repas sont courts, et, pour la plupart, composés de mets de la veille, pour que les domestiques aient plus de temps à donner au devoir religieux. S’il est vrai que le dimanche paraît un peu long à plus d’un, surtout aux enfans, que tel fidèle moins rigide se retire dans sa chambre, sous prétexte de recueillement pour y écrire en secret quelque lettre à un ami ; s’il est vrai que, parmi le plus stricts observateurs du dimanche, il en ait qui sont plus touchés par la perpétuité d’une chose établie que par l’acte de foi et d’obéissance un commandement de l’église chrétienne. J’admirerai d’autant plus ce grand accord qu’il en coûte plus aux individus pour y contribuer. Ceux qui ont la foi en jouissent plus librement, et ceux qui ne l’ont pas protégent ceux qui l’ont. En vérité, il y a des spectacles plus scandaleux.

Le hasard m’a rendu témoin de la susceptibilité des classes moyennes sur la célébration du dimanche. L’administration des postes avait eu l’idée de faire deux distributions le dimanche, l’une dans la matinée, l’autre le soir, avant et après l’heure des offices religieux. Une circulaire, non d’exécution, mais d’avertissement, avait été adressée aux directeurs des bureaux de poste ; la pièce n’était point signée ; personne n’avait voulu s’exposer en nom au premier feu d’anathèmes que la mesure allait susciter. Une lettre menaçante la dénonça dans le Times. On y prenait la défense des employés de la poste, qu’on allait priver, disait-on, de la douceur des devoirs religieux accomplis en famille. On défiait l’administration d’instituer le nouveau service. Elle répondit par des explications collectives et timides ; elle atténuait la mesure ; les lettres seraient portées à des heures où ce ne serait pas encore, où ce ne serait plus le dimanche ; subtilités auxquelles personne ne se laissa prendre. Les gens d’église s’en montrèrent très émus ; ils provoquèrent des meetings contre une mesure qui, disaient-ils, déshonorait le dimanche anglais, english sabbath, en ôtant légalement au jour du saint repos son caractère de jour consacré. La foule vint à ces meetings ; les vieilles filles y étaient en grand nombre ; on y amena jusqu’à des pensions de demoiselles, qui signèrent avec tout le monde des pétitions contre « cette servitude du dimanche, cette désécration du dimanche, ce péché du dimanche, » comme le qualifiaient les placards affichés à tous les coins de rue. Il y eut même des prédicateurs qui s’échappèrent en insinuations contre le gouvernement et qui invitèrent tous les chrétiens des trois royaumes à résister.