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pour les opposer ou les reprocher à la Société des Amis, ont voulu y découvrir ce qui ne s’y rencontrait nullement. Bien qu’il fût loin d’être sans capacité, bien qu’il y eût même dans son esprit beaucoup plus de choses que dans les idées des savans discoureurs de son siècle, tout ce qui composait son être ne s’y trouvait qu’à l’état embryonnaire, à l’état d’impressions, d’antipathies surtout. Ses phénomènes intérieurs étaient à un système d’idées arrêtées ce qu’une nébuleuse est à un monde. Ce qui était le plus clair pour lui, ce qui lui avait été réellement ouvert, c’est qu’il éprouvait une invincible répulsion pour la vanité des mondains et le dogmatisme hargneux des dévots qui l’entouraient. Pour avoir l’explication du caractère de Fox et de son influence, il faut, avant tout, se rappeler où en étaient les hommes de son temps.

Depuis Luther, le sens attaché au fameux axiome : c’est la foi seule qui sauve, avait étrangement varié. Par la foi, le moine saxon avait entendu la ferveur, l’amour, et, persuadé comme il l’était que cette foi-là était un don direct et gratuit de la grace, il avait conclu que tous les hommes pourvu qu’ils désespérassent d’eux-mêmes afin de laisser faire la grace auraient infailliblement la même sainteté et la même croyance. L’événement avait tristement répondu à ces prévisions du rêveur : au lieu de faire de l’humanité une communauté de saints, le sentiment n’avait enfanté que schismes et fanatismes. Alors était venu Calvin, qui, à son tour, avait cru accomplir par la logique ce que le sentiment n’avait pu réaliser. « La Bible, toute la Bible, rien que la Bible, » avait-il dit, et il s’imaginait avoir ainsi résolu le problème et rendu tout dissentiment impossible désormais. Malheureusement il s’était trouvé que les hommes n’avaient point interprété de même les Écritures, et le protestantisme, à force de discuter, d’argumenter et de prouver quelle était la véritable signification des textes, était à peu près revenu à l’état où se trouvait le catholicisme avant Luther. De nouveau, il avait réduit la foi en recettes et transformé le devoir religieux en une sorte d’art. Le moyen de se sauver, l’art du salut, ne consistait plus, il est vrai, à porter des cilices, à allumer des cierges, à monter à genoux des escaliers, mais il consistait à tirer les vraies conséquences du Nouveau-Testament, à entendre des sermons un jour donné, à communier assis plutôt que debout, et, par-dessus tout, à damner et à exterminer ceux qui n’expliquaient pas logiquement la Bible, et qui ne regardaient pas une certaine forme de discipline comme prescrite par une épître des apôtres. Toutes les parties de la doctrine luthérienne avaient été ainsi défigurées. En annonçant que le Christ seul peut éclairer et sauver, ce n’était pas l’homme que le réformateur allemand avait accusé d’impuissance ; c’étaient les procédés inventés par l’école pour arriver mécaniquement à la vérité et à la sainteté. Fils de son époque, Luther était sans cesse préoccupé des prétentions d’un sacerdoce qui