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suffrage universel, qui, lorsqu’il ne brise pas, ne conserve guère qu’en immobilisant.

Tout d’abord, Barclay commence par christianiser le quakérisme. Il ne laisse plus dans le vague le Christ intérieur de Fox, ce mystérieux oracle qui, malgré son nom, eût pu tout aussi bien être pris pour la morale naturelle des déistes ou l’émanation divine des néo-platoniciens que pour une manifestation intérieure de l’esprit saint des chrétiens. Autant il repousse la prédestination calviniste, autant il se prononce contre les idées des pélasgiens sur la lumière naturelle et sur la puissance de l’homme à arriver par lui-même à la foi et à la justice. Avec Adam, dit-il, toute sa postérité est tombée au pouvoir du mal. Nul ne peut rien de bon par ses propres forces ; mais Christ est mort pour tous, et par lui tous peuvent être régénérés et éclairés ; par lui, tous peuvent même s’élever jusqu’à la science suprême et à la perfection absolue. Seulement, ajoute-t-il, c’est dans le cœur de chacun que réside la puissance qui enseigne et purifie. Quoique les Écritures soient incontestables, elles ne sont que l’eau de la fontaine et non la fontaine elle-même. La révélation intérieure donne seule à l’homme le don de les comprendre ; seule, elle est efficace, et nul texte ne peut être invoqué contre elle, comme elle n’a nul besoin d’être confirmée par aucun texte. Ainsi, plus d’incertitude. Barclay admet la trinité, la rédemption, l’authenticité de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le Christ intérieur n’est plus que la grace provenant des mérites du Christ, la grace absolument telle que l’entendait le protestantisme, c’est-à-dire une intervention divine dont le propre est spécialement de manifester et de suggérer ce que les protestans d’alors concevaient comme la vérité et la sainteté.

Toute la théologie de Barclay n’est qu’un ensemble de conclusions exclusivement déduites de cette hypothèse, qui elle-même, remarquons-le bien, en résume deux autres : d’abord, l’ancienne croyance mystique que chaque homme renferme dans les profondeurs de son être une divinité qui peut tout lui donner abondamment sans le secours d’aucun noviciat terrestre, sans qu’il ait besoin de rien apprendre ni de rien acquérir ; en second lieu, l’idée que la vérité est une, et qu’une certaine interprétation de la Bible est précisément l’éternel évangile que la voix intérieure ne peut manquer de révéler à tous.

Les conséquences de ces deux idées sont faciles à distinguer dans la doctrine des Amis. Nulle sagesse et nulle puissance pour le bien ne pouvant venir des hommes ni des choses, toute la religion consiste à se faire passif et docile aux sollicitations de l’esprit, à l’écouter sans cesse, à supprimer en soi toute réflexion, tout propos délibéré, tout vain désir, afin que l’esprit seul pense et veuille dans l’ame. L’unique baptême, c’est l’abnégation du chrétien qui se renie lui-même pour