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à quelques lieues au nord de Lima, et y débarquèrent, sous les ordres du général Bulnes (8 août 1838).

Ici encore se présente une de ces complications si communes dans l’histoire du Pérou. Orbegoso s’était prononcé contre Santa-Cruz et la confédération péru-bolivienne ; il n’entendait point cependant accueillir en amie une armée qui envahissait le territoire du Pérou. Lafuente et Gamarra, deux conspirateurs incorrigibles, se trouvaient d’ailleurs dans les rangs des envahisseurs. Il n’en fallut pas davantage pour décider Orbegoso à marcher, à la tête de deux mille cinq cents hommes, contre les Chiliens. Tout en séparant sa cause de celle de la confédération, Orbegoso allait combattre pour son propre compte les ennemis de Santa-Cruz.

Le 17 août, les Chiliens se portèrent sur la route du Callao, à une lieue et demie de Lima. Le 21, un combat décisif se livra sous les murs mêmes de la ville. L’armée péruvienne se battit bien, mais elle était de beaucoup inférieure en nombre ; d’ailleurs, un corps considérable, sous les ordres du général Nieto, qui avait des intelligences avec le général Bulnes, ne prit aucune part à l’action ; les troupes d’Orbegoso furent entièrement défaites, et Lima tomba au pouvoir des Chiliens. Le général Gamarra se fit immédiatement proclamer président provisoire (24 août) par une assemblée de notables qu’un décret de Bulnes convoqua à cet effet. Orbegoso, après s’être d’abord enfermé dans la forteresse du Callao, se retira à bord de la frégate française l’Andromède. Ce ne fut que le 10 novembre que le général Santa-Cruz, après avoir réuni ses troupes, parut devant Lima, à la tête de six mille cinq cents hommes. Bulnes ne crut pas devoir l’y attendre, et rétrograda du côté de Huaras ; mais, au lieu de le poursuivre sans relâche dans sa marche et, de le rejeter à la mer, Santa-Cruz perdit à Lima un temps précieux qui permit aux Chiliens de se fortifier.

Santa-Cruz, en s’arrêtant à Lima, était préoccupé d’un plan dont malheureusement l’exécution ne répondit pas à ses espérances. Non content de chasser les Chiliens du Pérou, il voulait surtout détruire leur marine ; mais, comme il n’en avait lui-même aucune à leur opposer, il favorisa l’armement de corsaires qui se recrutèrent particulièrement parmi les matelots, déserteurs de toutes les nations que l’espoir d’un butin facile attira en grand nombre. Des bâtimens de commerce furent achetés et armés en guerre. Munis de lettres de marque, portant d’ailleurs le pavillon péruvien, ils devaient courir sus à tous les navires du Chili et ruiner son commerce maritime. Un Français, M. Blanchet, créé capitaine de vaisseau par Santa-Cruz, reçut le commandement de ces corsaires, et ne tarda pas à sortir du port du Callao. Les premières rencontres furent heureuses ; elles enhardirent Blanchet, qui osa alors attaquer l’escadre chilienne réunie. La fortune d’abord, sembla