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payés par l’état. Dans un moment où la richesse mobilière reste dépréciée et où le bas prix des denrées ne permet pas la rentrée des fermages, il pouvait être d’un bon exemple cependant que les fonctionnaires publics prissent leur part des privations qui atteignent tout le monde depuis deux ans. Cette combinaison étant malheureusement écartée, je ne reproduirai pas, pour le budget de 1851, la proposition d’une dîme républicaine.

Mais, si l’on ne veut pas s’adresser directement aux contribuables, il faudra bien rechercher les moyens de rendre productif l’impôt indirect. Parmi les taxes de consommation, je n’en connais pas, toute proportion gardée, qui rende moins aujourd’hui et qui soit susceptible d’un produit plus important que les droits de douanes. Aux États-Unis, les recettes de la douane forment à peu près le seul revenu du gouvernement fédéral. En Angleterre, les douanes rapportent plus de 500 millions par année. Défalquez-en les droits sur les tabacs, le produit reste encore de 400 millions. En comptant les sucres, tant indigènes que coloniaux et étrangers, et sans compter les sels, la France ne retire des siennes aujourd’hui que 156 millions. Là-dessus, les sucres, qui paient à l’échiquier anglais un tribut de 120 millions acquitté par une population de vingt-huit millions d’ames, ne rendent, chez nous, que 64 millions pour une population qui excède trente-six millions d’habitans. Au moyen d’un abaissement de la surtaxe qui repousse encore plus qu’elle ne grève les sucres étrangers, on obtiendrait sans peine un accroissement de recettes de 5 à 6 millions. Admettre les sucres étrangers pour une plus large part dans notre consommation, ce serait encore ouvrir à notre commerce d’échange des débouchés précieux sur un autre continent et arrêter la décadence de notre marine.

Les articles d’importation, autres que les denrées coloniales et les matières premières, ne figurent pas dans les recettes de la douane française pour plus de 30 millions. Il y aurait là un résultat misérable, si nous devions y voir l’expression naturelle de nos relations commerciales avec les peuples civilisés ; mais cette situation est purement artificielle. Les rapports qui pourraient s’établir, pour l’avantage mutuel entre la France et les nations voisines ou alliées de la France sont repoussés par nos tarifs. La douane française prohibe encore aujourd’hui, comme on aurait pu le faire au XVIe et au XVIIe siècle, dans le bon temps des monopoles commerciaux, les produits des fabriques étrangères ; contre ceux de l’agriculture étrangère, elle a des droits qui équivalent à la prohibition.

Je ne viens pas entamer une campagne en faveur de la liberté commerciale, ni même ouvrir la tranchée devant la forteresse du système protecteur. C’est bien assez de la guerre sociale qui nous agite ; à Dieu ne plaise que j’ajoute des querelles de système à ces élémens déjà