Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop puissans de discorde et de désordre ! Laissons dormir la controverse économique, ne mettons pas les ports de mer aux prises avec les centres manufacturiers ; mais, au nom du ciel, et dût-il en coûter quelque chose aux intérêts ou aux systèmes, venons au secours de l’état. Je m’adresse aux maîtres de forges, aux filateurs de coton ou de lin, aux fabricans de tissus, aux constructeurs de machines, aux maîtres de l’art céramique, et je leur dis : « Soyez vous-mêmes les arbitres de cette réforme, et mesurez-la uniquement à l’intérêt du trésor. Fixez, de concert avec le gouvernement, le taux des droits de douane qui doivent remplacer les prohibitions et les taxes prohibitives. Adoptez une échelle de 25 et même de 30 pour 100 de la valeur des marchandises importées. Nous accepterons le changement, quel qu’il soit, pourvu qu’il nous donne des douanes vraiment fiscales. » Si le gouvernement faisait un appel de cette nature au patriotisme et à la haute raison des chefs d’industrie que l’on considère comme les colonnes du système protecteur, ou je me trompe fort, ou sa voix serait entendue ; en tout cas, elle trouverait de l’écho dans le pays. Une réforme très modérée dans les tarifs élèverait aisément de 25 à 30 millions le produit annuel des douanes.

Les ressources additionnelles que nous venons d’énumérer présentent un total estimé au plus bas de 66 millions, qui porterait les revenus permanens de l’état, pour l’année 1851, à 1,346 millions. Par cette combinaison, il est pourvu aux dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires, en imprimant une plus grande activité aux travaux de chemins de fer et sans ajouter un centime aux charges de la dette flottante. Si des circonstances plus prospères, rendant l’essor aux revenus indirects venaient à augmenter l’excédant des recettes sur les dépenses, cet excédant servirait à diminuer, en 1851, la dette flottante d’une somme égale ; dans les années suivantes, il permettrait de reconstituer la dotation de l’amortissement. Les finances de la république entreraient alors dans cet état normal tant souhaité que la monarchie avait entrevu, en expirant, comme une autre terre promise.

Est-il vrai maintenant qu’en travaillant à porter la lumière et l’ordre dans notre système financier, on fasse une chose vaine ? Ne peut-on mettre les réformes économiques au rang qui leur appartient dans le gouvernement des peuples, sans donner un aliment aux doctrines socialistes et sans les rendre prépondérantes dans les assemblées représentatives ainsi que dans les rues ? Pour parler le langage de M. Donoso Cortès, le socialisme est-il une secte de l’économie politique ? Est-il « fils de l’économie politique comme le vipereau est fils de la vipère, lequel, à peine né, dévore celle qui vient de lui donner la vie ? »

Je réponds que, si le socialisme est une secte économique, c’est au même titre et au même rang que se placent les hérésies comme sectes