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forestières qui, faute de moyens de transport, sont complètement perdues pour le pays, de telle sorte qu’il n’y a que les forêts de la Cilicie Pétrée et de l’Isaurie qui soient en partie utilisées, mais encore seulement pour le commerce avec le reste de la Turquie, ou bien avec l’Égypte. Ce commerce s’effectue par l’entremise des petites échelles situées sur la côte méridionale depuis Tarsus jusqu’à Adalia ; ces échelles ne sont le plus souvent composées que de quelques masures appelées mahazy, où le bois, ainsi que les glands de chêne connus sous le nom de vallonnée, se trouvent déposés : les bois travaillés en planches sont protégés par une espèce de toiture contre les intempéries des saisons ; les autres bois taillés en rondins d’un à deux mètres de long, et destinés au chauffage ou aux bâtisses, sont entassés sur la plage ; à l’époque des pluies et des tempêtes, les vagues viennent souvent enlever une grande quantité de ce bois, qui, après avoir été promené quelque temps, finit toujours par échouer sur les côtes de Chypre et de l’Égypte, où les habitans épient ces arrivages qui leur fournissent un moyen très économique d’approvisionnement. Tout le bois des mahazy est, je le répète, exclusivement destiné aux besoins du commerce de l’empire ; c’est surtout vers l’Égypte que ce bois est dirigé, et les bâtimens d’Alexandrie, de Damiette et de Rosette viennent chaque année l’acheter aux échelles de la côte méridionale, à raison de 7 à 8 piastres le kantar (évalué pour la mesure du bois à 180 oks)[1] ; le gouvernement prélève 23 pour 100 sur la valeur en numéraire de la quantité du bois vendu.

La vallonnée, qui est également déposée dans ces mahazy et qui, ainsi que le bois, provient des forêts de la Cilicie et de l’Isaurie, n’a pas la même destination ; elle défraie exclusivement les besoins de l’Europe, où elle arrive par la voie de Smyrne ; c’est vers Trieste que s’acheminent les plus grands envois de cet article ; la vallonnée rendue dans les échelles de la côte méridionale de l’Anatolie coûte 30 piastres le kantar (à 44 oks), ou environ 5 sous le kilogramme, tandis que, transportée à Trieste, l’ok y est vendu à raison de 12 sous (de 75 à 80 piastres le kantar), ce qui, déduction faite des frais de transport, assigne aux vendeurs un bénéfice de presque cent pour cent. La Troade, les îles de Mitylène et de Chio fournissent une quantité très considérable de cet article au commerce extérieur, bien que celui-ci n’en retire plus des bénéfices aussi exorbitans qu’il y a cinq ou six ans, lorsque le kantar de vallonnée se vendait à Trieste 105 piastres ; on attribue la baisse du prix à la diminution de la demande de la part de l’Angle terre, qui, depuis quelque temps, cherche à substituer à la vallonnée

  1. L’ok turc est un peu inférieur au kilogramme, car il est composé de 400 drèmes, or, 312 drèmes sont acceptés dans le commerce comme l’équivalent d’un kilogramme ; le drème correspond environ à 3 grammes.