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foi. L’unité de sa carrière, c’est l’unité de sa manière d’artiste ; celle-là est évidente, constante, dominante,

Ut pueris placeas, et declamatio fias.

À toutes les causes, il ne demande que cela, d’être assez sonores pour retentir sous son archet, afin de se bercer, dût-ce être à la longue un plaisir solitaire, de se bercer toujours aux accords de sa musique. Ce culte imperturbable du prêtre-dieu pour lui-même, cette obstination à tout rapporter au meilleur service et au plus grand honneur de sa divinité, cette adresse perpétuelle à s’emparer des vicissitudes humaines pour en faire les morceaux d’éloquence qu’il expose sur son autel, ce sont là des traits de caractère qui se présentent à toutes les phases et sous tous les angles dans l’histoire d’Olympio. Quand on a cette conséquence avec soi-même au plus profond, au plus sublime de ses pensées, il n’importe guère d’en montrer moins dans le dédale éphémère de ce bas-monde.

M. Hugo a défié solennellement la France de lui signaler parmi ses œuvres écrites ou parlées, politiques ou littéraires, quoi que ce soit qui contrarie ses discours ou ses actes les plus récens. Je lui viendrais volontiers en aide ; je parierais volontiers de son côté, et je voudrais prouver qu’il a toujours été semblable à lui-même. — ne mettant jamais son cœur là où il mettait ses phrases, mais se le réservant tout entier ; aussi indifférent par le fond à la monarchie qu’à la république et à la république qu’à la monarchie, mais les employant l’une et l’autre en guise de matière pour exploiter son talent ; sous l’une comme sous l’autre exclusivement glorieux d’être lui, yo el rey. Les va-et-vient, les contrastes un peu heurtés de sa conduite extérieure s’effacent immédiatement sous l’impression de cette vigoureuse sérénité du for intérieur.

J’aurais aimé à faire ce que propose M. Hugo, à recueillir dans ce qu’il a dit et imprimé depuis l’âge d’homme les traces remarquables de cette fidélité qu’il s’est toujours religieusement gardée. J’imagine que j’aurais ainsi reconstruit de toutes pièces une grande physionomie. Malheureusement c’est au désert que j’écris ces lignes, en un désert où mes ressources les plus modernes sont quelques tomes dépareillés des anciennes poésies de M. Hugo : les Voix intérieures, les Rayons et les Ombres, etc. Un amusant hasard a voulu que le crayon d’un voltairien de province barbouillât sur toutes les marges ces pauvres volumes incomplets d’apostilles indignées où le poète est traité de bigot et de jésuite. Digne inconnu qui m’as précédé le long de ces pages jaunies, ton ame candide doit être aujourd’hui satisfaite, et tu as sans doute pardonné ! Je ne sais quel coup de vent m’a de plus apporté un vieux morceau de journal qui date de l’autre siècle, d’avant le déluge,