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contre les « grands seigneurs libéraux » de la chambre haute, les griefs démagogiques trouvent leurs plus fougueux champions parmi les derniers partisans de dom Miguel. Quel inexplicable vertige va donc ainsi frapper à la même heure, en Portugal comme en Espagne, comme en France, l’élément militant d’un parti qui n’avait pour toute force et toute raison d’être que le respect exagéré de lui-même ? Les ultra-légitimistes ont la prétention de mêler la Providence à leurs plus minces affaires : ne serait-ce point, par hasard, la Providence qui parle ici ? Cette rage de suicide qui semble les poursuivre à la fois partout, ces attractions mortelles et contre nature qui marient le droit divin à l’athéisme politique, l’intolérance à la négation, la tête au couperet, n’est-ce pas à faire croire à une malédiction d’en haut ? Il ne faut peut-être pas s’en plaindre après tout. Les excès de la démagogie pouvaient d’un moment à l’autre refouler la société effrayée jusqu’à l’excès contraire : la répulsive transformation qui s’opère ici l’aura arrêtée à temps et servira à la maintenir, à égale distance des deux abîmes, sur ce large terrain du libéralisme modéré où doit s’accomplir tôt ou tard la fusion de tous les partis sérieux.

Ruinée dans l’opinion, vaincue à la tribune, contenue dans la presse, la coalition portugaise a acquis en revanche un allié. À la stupéfaction universelle, le duc de Saldanha vient d’entrer dans ses rangs ! Sans tenir compte de la conduite si généreuse suivie à son égard par le comte de Thomar lors des élections de 1847, et de l’appui franc et décidé que celui-ci, au risque d’indisposer ses amis et jusqu’à son propre frère, prêta toujours à son administration, cédant à je ne sais quel puéril et indigne sentiment de dépit, le vieux maréchal n’a pas craint de s’unir officiellement à des hommes qui, hier encore, l’accablaient d’outrages, et de se faire le patron, au besoin même l’organe, des grossières calomnies dirigées contre le président du conseil, à qui il avait cependant promis la plus complète adhésion. Le châtiment de ce sexagénaire coup de tête ne s’est pas du reste fait attendre. La reine, oubliant sa proverbiale indulgence pour le triste vieillard qui allait oublier sa fidélité et ses gloires parmi les débris de deux factions, n’a pas hésité à signer le décret qui le prive de ses fonctions de cour. L’armée, sur laquelle il exerçait une influence sans bornes, et qu’il a essayé de rallier à ses rancunes, ne semble plus le reconnaître. Le marquis de Fronteira, gouverneur civil de Lisbonne, et son frère, l’un des chefs les plus estimés de l’armée portugaise, tous deux habitués à lui prêter l’influence que leur donnent une haute capacité et un grand nom, se sont séparés de lui. Le duc de Terceira enfin, son collègue de maréchalat, et que certaines susceptibilités tenaient en froideur, a ouvertement donné son concours au comte de Thomar. Tant de mécomptes coup sur coup n’ont fait qu’exaspérer M. de Saldanha ; il égale