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aujourd’hui en violence à la chambre des pairs l’excentrique et monomane comte de Lavradio, dont les conseils ne paraissent pas du reste étrangers à cette incroyable aberration d’un homme qui, en restant à sa place, eût pu rendre encore d’éminens services au pays. Le côté vraiment fâcheux de l’affaire, c’est que le comte de Thomar en soit réduit à dépenser contre une conspiration incessante, qui prend toutes les formes, qui met en jeu contre lui de nombreuses influences de famille, et dont les instigateurs les plus acharnés siégent sur les bancs de la pairie, une partie de l’activité que réclame l’œuvre si heureusement commencée, mais encore si ardue de la régénération nationale.

Heureusement le comte de Thomar n’est pas seul pour cette tâche. Dans le cabinet, le ministre des finances, M. d’Avila, rappelle, à côté du Narvaez portugais, la rigidité et la hardiesse de vues qui caractérisent M. Mon. Dans la chambre des députés, que dirige et que préside un des frères du comte de Thomar, M. Rebello Cabral, le courageux réformateur s’appuie sur un groupe très nombreux d’hommes pratiques qui comprennent à merveille ses plans d’organisation et qui aiment déjà à personnifier en lui l’avènement de la classe moyenne. Une importante fraction de la chambre des pairs lui prête un concours non moins intelligent. Et remarquons à ce propos que, si l’instruction des masses est encore ici dans un déplorable abandon, les classes riches ou aisées, et notamment ce groupe d’élite où se recrutent la haute administration et le parlement, sont une véritable pépinière de capacités. Les universités portugaises n’ont presque rien perdu de leur vieille splendeur, et quarante ans de troubles, en tournant vers les affaires publiques les tendances intellectuelles de ces classes, ont hâté leur éducation politique et économique. Un pareil défaut d’équilibre entre les deux pôles de la société portugaise est assurément très fâcheux ; mais franchement est-ce là un mal sans compensation ? Tout en acceptant le progrès intellectuel des masses comme condition finale d’ordre, n’est-il pas permis d’avouer que la plupart des secousses et des sanglans malentendus de notre révolution auraient été évités, si l’initiation politique du peuple n’avait pas coïncidé chez nous avec son initiation intellectuelle ? Par cela même que le peuple portugais est complètement dépourvu d’instruction, il a pu rester exempt des maladives impatiences qui accompagnent toute demi-instruction, et qui sont comme la fièvre obligée de cette inoculation morale. Les droits politiques précèdent, en un mot, chez lui l’ambition politique ; la révolution y descend d’en haut, et les révolutions d’en haut sont en somme les plus promptes et les plus sûres, car ici la main qui pousse est la main qui dirige et qui contient. On pourrait même soutenir qu’il n’y a de succès infaillible que pour celles-là. L’important, c’est que l’impulsion soit continue et uniforme, et, sous ce rapport encore, le Portugal a une puissante garantie